L'ex-premier ministre japonais Naoto Kan, en poste au moment de la catastrophe nucléaire de Fukushima, a reconnu lundi la responsabilité de l'État dans ce drame, mais défendu la façon dont il a géré la crise tout en admettant quelques cafouillages.

M. Kan a témoigné lundi devant une commission d'enquête parlementaire indépendante, après avoir été mis en cause dans le contrôle de cet accident atomique majeur déclenché à la centrale Fukushima Daiichi par le séisme et le tsunami qui ont dévasté le nord-est du Japon le 11 mars 2011.

«Puisque l'accident est intervenu dans une centrale résultant de la politique étatique, la responsabilité première en revient à l'État», a déclaré l'ex-chef du gouvernement devant les membres de la commission présidée par le scientifique et ex-conseiller politique Kiyoshi Kurokawa.

Et le même d'ajouter «je voudrais renouveler mes excuses pour ne pas être parvenu à stopper la crise».

Toutefois, malgré ce mea-culpa, M. Kan s'est employé pendant deux heures et demie à défendre ses décisions, tout en reconnaissant que plusieurs dispositions ont tardé à être prises.

«Il aurait été bien d'avoir fait cela plus tôt», a répété plusieurs fois l'ancien chef du gouvernement.

M. Kan a surtout été questionné sur les points qui font toujours polémiques: sa visite à la centrale le 12 mars au matin, le retard de ventilation pour éviter les explosions d'hydrogène, l'injection contestée d'eau de mer dans les réacteurs, l'intention de la compagnie gérante de quitter le site en péril et le refus de l'aide technique des États-Unis dans les premiers jours.

«Je suis allé à la centrale, car je voulais voir directement la situation. Il y a eu des débats sur cette question, mais j'ai jugé qu'il était important que je voie pour mieux gérer la crise», a-t-il notamment justifié, se plaignant d'avoir manqué d'informations durant les premières heures.

On me répondait «je ne sais pas» lorsque je demandais pourquoi les choses ne progressaient pas sur le terrain.

Quant au projet de Tepco d'évacuer le site, M. Kan a affirmé qu'il avait jugé une telle idée «insensée» et ordonné au patron de Tepco à l'époque de ne pas quitter les lieux, ce à quoi ce dernier se serait contenté de répondre «compris».

«Le fait que Tepco ait songé à partir a été le détonateur pour créer le 15 mars une cellule au sein du gouvernement afin de piloter la gestion l'accident», a précisé M. Kan, reconnaissant qu'une telle décision aurait pu être prise plus tôt, même si la centrale appartient à une société privée.

«À partir de ce moment, la collecte d'informations s'est mieux déroulée», a-t-il soutenu, même si on sait aujourd'hui que la plupart des rejets radioactifs ont eu lieu avant.

M. Kan a précisé que ses décisions, notamment pour les ordres d'évacuation des populations riveraines dans un rayon de 3, puis 10 et 20 km autour du complexe atomique, avaient reposé sur l'avis d'experts, lesquels n'étaient cependant pas toujours d'accord.

Quitte à ajouter à la confusion, l'ex-premier ministre, qui a démissionné en août dernier, a affirmé n'avoir pas toujours été au courant des initiatives des uns et des autres.

«J'ai entendu dire hier pour la première fois de la bouche de Yukio Edano (ex-porte-parole du gouvernement entendu dimanche comme témoin par la même commission), que l'Agence de sûreté nucléaire avait refusé l'aide technique des Américains», alors qu'il était pour sa part, dit-il, disposé à accepter toutes les formes de soutien offertes.

Après avoir eu des mots durs envers les dirigeants de Tepco ou avoir montré des points de désaccord avec d'autres intervenants dans la gestion de la catastrophe, M. Kan a achevé son plaidoyer prudent devant une salle comble en remerciant «avec respect les personnes qui, à la centrale, ont fait tout leur possible pour éviter que l'accident ne s'aggrave davantage».

L'audition de M. Kan, converti en chantre de l'abandon de l'énergie nucléaire, intervient plus d'un an après le sinistre, alors que le Japon est actuellement totalement privé de ses réacteurs et s'interroge sur la politique à suivre.

«J'ai compris avec l'expérience du 11 mars que ma façon de penser, ma confiance envers l'exploitation de l'énergie nucléaire n'étaient pas justes», a-t-il révélé en début de session.

Et d'en déduire à l'issue de son témoignage: «l'énergie nucléaire la plus sûre est celle dont on ne dépend pas. Autrement dit il faut se défaire de l'énergie nucléaire».

La commission d'enquête parlementaire indépendante, qui tient lundi sa 16e session, doit remettre ses conclusions au mois de juin.