Pas d'amélioration, mais pas de dégradation non plus. Même s'il n'est pas possible de parler de «lueur d'espoir», l'Agence internationale d'énergie atomique a indiqué hier que la situation à la centrale nucléaire de Fukushima est «stable» quoique «très grave», a dit Graham Andrew, haut responsable de l'Agence. «Il est encore possible que cela empire», a ajouté M. Andrew.

L'effort colossal pour transporter de l'eau sur les lieux de la centrale s'est poursuivi hier, afin de refroidir le combustible des réacteurs endommagés. Quatre hélicoptères CH-47 de l'armée japonaise se sont relayés pour des missions de 40 minutes, dans le but de limiter leur exposition à la radioactivité. Ils ont largué des tonnes d'eau - 7500 litres à chaque passage. À la tombée de la nuit, hier, les résultats étaient cependant toujours incertains, car l'eau semble être en bonne partie dispersée par le vent.

L'attention a surtout été concentrée sur les installations du réacteur 3, à cause de la nature du combustible qu'il contient dans le bassin de stockage, qui serait, selon Tokyo Electric Power Company (Tepco), presque vide. Le réacteur 3 contient notamment du plutonium, dont les émanations radioactives sont plus dangereuses que celles de l'uranium.

Des canons à eau de la police ainsi que des véhicules militaires spécialisés dans la lutte contre les incendies ont aussi été mis à contribution. «Le seul moyen de stabiliser la situation» à la centrale de Fukushima 1 est d'apporter de l'eau en quantité suffisante pour refroidir les installations, a souligné l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN).

Les ingénieurs travaillaient aussi sans relâche pour tendre un câble électrique de 1,5 km jusqu'à la centrale dans l'espoir de redémarrer les pompes du système de refroidissement des réacteurs. Il est par contre possible que ces pompes aient été lourdement endommagées par le tsunami qui a suivi le séisme de vendredi dernier.

Crise humaine et évacuations

La menace nucléaire jette par ailleurs dans l'ombre la crise qui touche les centaines de milliers de sinistrés japonais. Le temps froid et la neige éprouvent les victimes et compliquent les recherches. Quelque 850 000 ménages sont toujours privés d'électricité, et 1,5 million sont sans eau courante. Le bilan provisoire du séisme et du tsunami s'établit à plus de 16 000 morts et disparus une semaine après le séisme, selon la police japonaise.

La plupart des ambassades à Tokyo ont recommandé à leurs ressortissants de s'éloigner de la zone de Fukushima pour se replier vers le sud, dans la région d'Osaka, ou de quitter le Japon. Le Canada a légèrement modifié ses recommandations, hier, et demandé à ses ressortissants de ne pas s'approcher à moins de 80 km de la centrale de Fukushima.

L'ONU a dévoilé hier la trajectoire probable du panache radioactif, qui se rendra vers les îles Aléoutiennes, au large de l'Alaska, avant de toucher le continent nord-américain dans le sud de la Californie. Tokyo était pour le moment épargné par les vents dominants, qui sont les principaux propagateurs des radiations au-delà des périmètres de sécurité - de 50 à 80 km.

«Au-delà du périmètre de sécurité, la contamination dépendra des vents», explique Michael Repacholi, qui a dirigé une étude sur le bilan de Tchernobyl, publiée par l'OMS et l'AIEA en 2005. Cela explique pourquoi la Biélorussie et l'ouest de la Russie avaient été plus touchés que Kiev par le désastre de Tchernobyl en 1986, même si Kiev ne se trouve qu'à 100 km au sud de la centrale ukrainienne.

Même si les vents tournaient, une comparaison avec le bilan de Tchernobyl permet de penser que la mortalité à long terme due à la crise de Fukushima ne dépassera pas quelques centaines de personnes par année. En 2006, une étude du Centre international de recherche sur le cancer avait estimé que la «mortalité excessive» causée par Tchernobyl dans toutes les zones touchées en Europe - y compris la Scandinavie et l'Europe centrale - ne dépasserait pas 5% de la mortalité naturelle.

Par contre, les cancers non mortels sont plus fréquents. Une étude russo-américaine publiée hier dans la revue Environmental Health Perspectives indique que les cancers de la thyroïde sont deux fois plus fréquents que la normale chez les Ukrainiens qui étaient enfants à Kiev en 1986.