Le séisme et le tsunami, qui a noyé les circuits de refroidissement, ont provoqué une crise inquiétante sur les réacteurs 1 et 3 de la centrale nucléaire de Fukushima (250 km au nord-est de Tokyo). Quelles sont les causes possibles de cet accident? Les scénarios envisageables ? Et les conséquences?

Q: Comment est protégé le réacteur d'une centrale nucléaire ?

R: La matière radioactive est séparée de l'environnement par trois barrières: le «crayon» qui enveloppe l'uranium (sous forme de pastilles); la cuve et enfin l'enceinte de confinement. Au Japon, elle est constituée d'un «liner», ou «peau métallique», ancré dans des parois en béton et fermé d'un couvercle. Ce liner est muni de capteurs.

Q: Que se passe-t-il en cas de séisme comme au Japon?

R: Dès qu'une secousse est détectée, les capteurs déclenchent des barres constituées de matériaux «neutrophages» qui s'insèrent automatiquement dans le réacteur et évitent la propagation de la réaction nucléaire. Le réacteur est de facto à l'arrêt. Cette première parade a très bien fonctionné au Japon. Cependant, la réaction nucléaire continue à un niveau beaucoup plus faible et il faut alors refroidir le réacteur. Mais le système principal et celui de secours ont été vraisemblablement endommagés par le séisme.

Q: Pourquoi injecte-t-on de l'eau de mer?

R: Le tsunami qui a envahi la région a endommagé les circuits de refroidissement et les circuits de secours (diesel). Les réacteurs ont continué à chauffer, avec des températures de l'ordre de 1.000 degrés. Les barres de combustibles se trouvent alors partiellement émergées (des trois-quarts dans la nuit de dimanche sur le réacteur numéro 3) et ont commencé à se dégrader. Les opérateurs japonais ont alors injecté de l'eau de mer borée - le bore étant un élément chimique qui absorbe les neutrons et freine la réaction nucléaire.

Q: A quoi est due l'explosion du réacteur numéro 1 ?

R: Une réaction chimique due à la dégradation des barres de combustibles et à la baisse du niveau d'eau a provoqué la production d'hydrogène: c'est lui qui a vraisemblablement déclenché l'explosion quand il s'est répandu dans l'enceinte de confinement. Un scénario similaire était susceptible de se reproduire dimanche dans le réacteur numéro 3.

Les opérateurs ont alors libéré une partie des gaz contenus dans l'enceinte de confinement, mélange de vapeur d'eau, d'éléments radioactifs -césium, iode radioactif, crypton...- et d'hydrogène.

Q: A quoi est liée l'explosion survenue samedi dans le réacteur numéro 1?

R: Vraisemblablement, le gaz produit a été évacué dans la partie supérieure du réacteur et a fait sauter un panneau soufflant qui le recouvre. L'explosion aurait donc des causes chimiques (l'hydrogène) et ne serait pas liée à une réaction nucléaire. L'enceinte de confinement est intacte car le taux de radioactivité mesuré est plutôt faible. Il s'agit donc d'une explosion de nature chimique et non d'origine nucléaire.

Q: Qu'est-ce qu'une fusion au sein d'un réacteur ?

R: La fusion correspond à la surchauffe du combustible qui commence à fondre et à couler, comme une bougie. Il devient alors difficile à refroidir et les gaines qui retiennent les produits radioactifs se désagrègent à leur tour. Les produits radioactifs risquent de passer dans l'eau qui circule théoriquement en circuit fermé.

Q: Y a-t-il actuellement fusion au sein du réacteur japonais ?

R: Très probablement dans le réacteur no 1 selon les informations disponibles. Si c'est le cas, elle se traduira par la présence d'un magma appelé corium, qui résulte de la fusion des métaux présents et de l'uranium lui-même.

Le corium risque alors de percer la cuve en la chauffant et de se retrouver directement dans l'enceinte de confinement. Ce qui provoquerait des rejets massifs d'éléments radioactifs dans l'environnement.

Q: Cette situation est-celle comparable à celle de Tchernobyl en 1986?

R: Non, car la centrale de Tchernobyl ne disposait pas d'enceinte de confinement mais d'une simple chappe de béton. En outre, à Tchernobyl, il s'agissait d'un emballement de la réaction nucléaire, avec un réacteur en surchauffe, alors qu'au Japon les réacteurs ont été arrêtés 24 heures avant l'explosion.

Q: Cette situation est-elle comparable à celle de Three Mile Island (TMI) aux Etats-Unis en 1979?

R: En partie, puisqu'il y avait eu fusion, avec du corium retrouvé au fond de la cuve. L'enceinte de confinement avait résisté.

Mais on a déjà dépassé le niveau de la catastrophe de TMI car il n'y avait pas eu là-bas, ou très peu, de pressurisation de l'enceinte de confinement (évacuation de vapeur).

Q: Y a-t-il eu relâchement d'éléments radioactifs?

R: Oui, avec un relâchement volontaire de vapeur pour éviter que le bâtiment ne se fendille, et avec la vapeur d'eau contaminée qui est sortie de la centrale après l'explosion du bâtiment du réacteur. Tant qu'il n'y aura pas de rétablissement du refroidissement, d'autres relâchements de vapeur contaminée seront inévitables pour éviter un accident majeur.

(Sources contactées par l'AFP: Jean-Mathieu Rambach, ingénieur expert en génie civil et Jérôme Joly, directeur de l'expertise nucléaire à l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN); Olivier Gupta, directeur-général de l'Autorité de Sûreté du nucléaire (ASN); et Bertrand Barré, conseiller scientifique chez Areva.)