Rupert Murdoch, entendu mercredi à Londres dans l'affaire des écoutes, s'est employé à minimiser ses liens avec le pouvoir, au lendemain de l'audition de son fils James qui a mis le gouvernement dans l'embarras et le ministre chargé des médias sur la sellette.

«Je n'ai jamais rien demandé à un premier ministre», a assuré le magnat des médias devant la Commission d'enquête Leveson, qui l'a questionné d'emblée sur les relations de son groupe News Corp. avec la classe politique et notamment avec l'ancien chef du gouvernement, Margaret Thatcher.

L'octogénaire, qui avait déclaré l'été dernier qu'il avait rencontré de nombreux dirigeants britanniques, dont l'actuel premier ministre David Cameron, a salué l'occasion qui lui était donnée de «tordre le cou à certains mythes». Et il a démenti les rumeurs «infondées» selon lesquelles il en voulait à David Cameron d'avoir créé cette commission d'enquête.

Le magnat avait déjà dû s'expliquer sur l'affaire des écoutes, lors d'une première audition-fleuve en juillet devant une commission parlementaire devant laquelle il s'était dédouané de toute responsabilité.

La Commission Leveson est chargée de faire la lumière sur le scandale des écoutes téléphoniques pratiquées à grande échelle dans les années 2000 par un ex-tabloïd du groupe Murdoch, le News of the World. Elle doit se pencher aussi sur les pratiques de la presse, notamment ses liens avec le monde politique.

Or, la comparution de James Murdoch, mardi, a été l'occasion de révélations embarrassantes sur les relations entre News Corp. et les conservateurs au pouvoir au Royaume-Uni, au point que certains journaux britanniques titraient mercredi matin: «La revanche des Murdoch».

Des courriers électroniques, adressés à James Murdoch par le directeur des affaires publiques de News Corp. et dévoilés devant la commission, ont révélé des contacts particulièrement nourris entre le groupe et les conseillers du ministre de la Culture Jeremy Hunt.

Ce dernier était chargé de se prononcer sur le projet ultrasensible de rachat de la totalité du bouquet de chaînes satellitaires BSkyB par News Corp., qui a dû ensuite jeter l'éponge en raison du scandale des écoutes.

«Je suis déterminé à faire tout mon possible pour prouver que je me suis comporté avec une totale intégrité», a lancé mercredi matin le ministre, aux journalistes agglutinés devant son domicile. M. Hunt, qui est aussi chargé du dossier des Jeux olympiques organisés cet été à Londres, a souhaité être entendu par la Commission Leveson et un de ses conseillers, Adam Smith, a démissionné mercredi, reconnaissant que ses propres contacts avec l'empire Murdoch «étaient allés trop loin», mais dédouanant le ministre.

Pour ajouter encore à l'embarras du gouvernement, James Murdoch a également reconnu avoir parlé avec David Cameron du projet, «dans le cadre d'une petite discussion avant un dîner» le 23 décembre 2010.

Ces révélations ont conduit les travaillistes à réclamer la démission du ministre de la Culture et placé une nouvelle fois en position délicate le premier ministre qui devait faire face en fin de matinée aux questions du Parlement.

David Cameron avait déjà été obligé de se justifier à plusieurs reprises ces derniers mois sur ses liens avec les Murdoch et les dirigeants de News of the World. Et il avait affirmé n'avoir eu «aucune conversation inappropriée» avec James Murdoch.

Ce nouveau rebondissement dans la tentaculaire affaire des écoutes tombe au plus mal pour le premier ministre, qui traverse actuellement une passe difficile et qui a appris de surcroît mercredi que son pays était de nouveau en récession, de quoi relancer les critiques sur sa politique d'austérité.