Le président américain Barack Obama pourrait réussir dimanche là où nombre de ses prédécesseurs se sont cassé les dents des décennies durant: réformer le système de santé pour offrir à une couverture maladie à une très large majorité d'Américains.

La réforme, qui serait l'une des plus audacieuses de l'histoire politique américaine, doit être votée ce dimanche à la Chambre des représentants, après plus d'un an de débats houleux. Elle devrait recueillir les 216 voix nécessaires à son adoption, selon le président du groupe démocrate à la Chambre, John Larson.

Contesté par les républicains, le texte ne prévoit pas une assurance maladie universelle, chère au président, mais une extension de la couverture de santé, dès 2014, à 32 millions d'Américains qui en sont actuellement privés pour atteindre un taux de couverture de 95% de la population.

Jusqu'ici, seul le président Lyndon Johnson a réussi à obtenir des avancées significatives en matière de sécurité sociale, par la promulgation en 1965 d'une loi offrant une couverture de santé aux personnes âgées ou à bas revenus.

Réformer le système de santé a toujours été un combat de longue haleine aux Etats-Unis, où la méfiance à l'égard d'un gouvernement central fort a toujours été aiguisée. En 1854 déjà, le président Franklin Pierce avait mis son veto à un projet de loi en matière de santé mentale, estimant que la santé relevait du domaine privé.

Trois quarts de siècle plus tard, l'American Medical Association, qui regroupe une majorité des médecins américains, dénonçait des propositions visant à mieux organiser les soins de santé comme une «incitation à la révolution» par des «soviets médicaux».

Pas étonnant dès lors que les partisans d'une réforme du système de santé, tels le président Theodore Roosevelt, ont vu leur ambition contrecarrée, génération après génération. En pleine Dépression, Franklin Roosevelt avait réussi à faire passer une loi sur l'assurance chômage et l'âge de la retraite, mais la couverture maladie universelle, initialement prévue, avait finalement été retirée du texte final en raison de l'opposition du secteur médical.

En 1930, les citoyens américains assuraient 80% des coûts médicaux du pays. Les autorités, à tous les niveaux, prenaient environ 14% à leur charge, le reste étant payé par les entreprises et des associations philanthropiques.

Aujourd'hui, le gouvernement et les Etats couvrent la moitié des coûts des soins médicaux. Même si la réforme n'est pas adoptée dimanche, le taux de prise en charge par les pouvoirs publics devrait dépasser la barre des 50%, à la faveur d'un sentiment de solidarité qui côtoie l'individualisme au rang des valeurs fortes de la nation américaine.

«Ceux qui doutaient avaient prédit un scandale. Nous leur avons offert un succès», avait déclaré le président Johnson après sa victoire en 1965, pour faire taire les critiques.

La réforme voulue par Barack Obama s'inspire paradoxalement d'une mesure préconisée en 1974 par le républicain Richard Nixon, qui souhaitait faire payer l'assurance-maladie des travailleurs les plus pauvres par les entreprises, sous peine de lourdes pénalités. Les syndicats et les démocrates avaient alors combattu la mesure, espérant obtenir mieux encore par la suite, en vain.

Le démocrate Bill Clinton, dont l'ambitieux projet de réforme du système de santé avait échoué en 1993, semble avoir retenu la leçon. En décembre dernier, il a encouragé les démocrates à tenter d'obtenir le maximum, sans toutefois faire de la réforme une bataille du tout ou du rien. «L'Amérique ne peut pas se permettre de laisser la perfection être l'ennemi du bien», avait-il insisté.