Les trois ténors de Westminster ont juré conjointement hier de céder plus de pouvoirs à l'Écosse en cas de victoire du Non au référendum. Alors que les sondages mettent le Oui et le Non à égalité, cette promesse suffira-t-elle à séduire les 10% d'indécis qui pourraient décider de l'issue du scrutin?

Elle a mis dans sa fenêtre une pancarte marquée «Maybe». Peut-être. Pendant que la plupart de ses voisins s'affichent résolument pour le Non ou le Oui, Evelyn n'a toujours pas décidé pour qui elle voterait demain, jour de référendum.

Elle n'est pas ambivalente de nature, assure-t-elle. Mais cette fois, les enjeux sont grands, et à force de se faire marteler les vérités contraires des deux camps, elle a fini par ne plus savoir que penser.

«Mon crâne déborde d'informations, j'ai arrêté d'écouter les débats, explique Evelyn, 39 ans. Maintenant, c'est à moi de trouver mes réponses. Je veux m'informer davantage. Sur l'économie en particulier. L'Écosse est un pays riche. Je ne comprends pas pourquoi il y a tant de pauvreté.»

Evelyn n'est pas la seule indécise en cette fin de campagne référendaire. Comme elle, plus d'un dixième des 4,3 millions d'Écossais inscrits sur la liste référendaire (97% des gens en âge de voter!) seraient encore indécis, à deux jours de ce scrutin historique. Alors que les sondages mettent le Oui et le Non pratiquement à égalité, ce groupe fera forcément la différence demain soir.

Les militants le savent. Et sur le terrain, la bataille pour le vote des indécis se poursuit sans relâche.

Jim Orr, par exemple, a passé toute la soirée d'hier, dans les rues d'Édimbourg, à talonner les «Je ne sais pas» et les «Non mous». Pour cet ardent militant du Oui, devenu un spécialiste du porte-à-porte, ces visites de dernière minute peuvent faire toute la différence.

«C'est la seule chose à faire, lance Jim, sac de Yes Scotland en bandoulière. Il faut se battre jusqu'au dernier électeur.»

«[Demain], je vais aussi faire le tour des bureaux de scrutin pour afficher notre présence, ajoute-t-il. Beaucoup de gens ne prendront leur décision qu'une fois dans l'isoloir. Être là avec un sourire et un mot sympa, qui sait quel impact ça peut avoir?»

Cette ultime campagne de propagande ne se limite pas à la rue. Pendant que le camp du Oui continue de promouvoir les bienfaits d'une Écosse indépendante, le camp du Non, devenu un rouleau compresseur, poursuit son offensive lourde avec le soutien combiné des banques, des économistes, des pétrolières, des médias et, bien sûr, des politiciens.

Le voeu des trois ténors

Hier dans les pages du Daily Record, transformées pour l'occasion en parchemin médiéval, les trois ténors de Westminster, David Cameron, Ed Miliband et Nick Clegg, ont ainsi renouvelé leur «voeu» de céder plus de pouvoirs à l'Écosse, une «dévolution augmentée» essentiellement en matière de taxes et de services sociaux.

Cette sortie médiatisée, réalisée au lendemain d'un discours dramatique du premier ministre britannique, pourrait-elle faire basculer les indécis dans le camp Non? Jan Eichhorn, professeur de sciences politiques à l'Université d'Édimbourg, en doute.

«Ces promesses ont convaincu quelques indécis cet hiver, quand elles ont été présentées pour la première fois. Mais à ce stade de la campagne, je ne crois pas que ça fasse de différence. Elles n'ajoutent rien de neuf et elles sont loin de la dévolution maximale qui, elle, aurait pu séduire un grand nombre d'Écossais.»

«Ils font cette proposition alors que des gens ont déjà commencé à voter par correspondance! ajoute Jim Orr, outré. En plus, ce n'est même pas une annonce parlementaire, mais une promesse faite dans un journal. Ça ne fait pas très sérieux!»

Si, comme l'indiquent les experts en sondages, les indécis ont généralement tendance à pencher vers le Non, on peut prévoir que l'union entre l'Écosse et l'Angleterre sera sauvegardée demain. Qu'on se rappelle le Québec en 1995, alors que le Oui menait par quatre points - et 16% d'indécis - à deux jours du référendum...

Mais dans le cas de l'Écosse, mieux vaut ne présumer de rien, affirme Jan Eichhorn.

«Il nous manque trop de données pour tirer des conclusions. Beaucoup des gens voteront pour la première fois. On ne connaît pas leur profil économique. Ni leurs habitudes politiques. Ça accroît la marge d'erreur...»

PHOTO MATT DUNHAM, AP