Une cour criminelle d'Istanbul a ordonné lundi l'arrestation d'ex-chefs de l'armée israélienne pour leur implication dans un assaut qui a coûté la vie à dix activistes turcs, en 2010 au large de Gaza.

La cour déposera à Interpol une demande de mandat d'arrêt international à l'encontre de quatre anciens responsables militaires israéliens, jugés depuis 2012 par contumace dans une procédure très symbolique en Turquie, a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'organisation caritative islamique turque IHH (la Fondation d'aide humanitaire) et un avocat de la partie civile.

Un responsable israélien sous couvert d'anonymat a qualifié de «provocation ridicule» le jugement.

«Si c'est le message que les Turcs veulent faire passer à Israël, et bien il a été parfaitement entendu» a commenté cette source, refusant de développer plus sur les conséquences de cette décision sur le processus de réconciliation.

«Un mandat d'arrêt a été délivré par la cour contre les suspects», a souligné Serkan Nergiz de l'IHH qui a ajouté que la décision de la Cour sera notifiée au ministère de la Justice qui devra demander à Interpol un «bulletin rouge» contre l'ancien chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Gabi Ashkenazi, l'ex-chef des renseignements militaires Amos Yadlin et les anciens chefs d'état-major de la marine et de l'aviation.

La justice turque accuse les responsables israéliens de «meurtres monstrueux et de torture» et réclame la réclusion à perpétuité.

D'autre part, l'IHH a confirmé des informations de presse selon laquelle un activiste de 51 ans grièvement blessé dans l'assaut avait perdu la vie à Ankara après un long coma. «Süleyman Ugur Söylemez est devenu un martyr samedi», a souligné un responsable de l'ONG à l'AFP.

La décision de la cour intervient alors que des discussions sont en cours depuis plusieurs mois entre Israël et la Turquie pour dédommager les familles des victimes et la décision de la cour pourrait avoir un impact sur ce processus.

«En principe, le pouvoir judiciaire est indépendant et nous devons penser que la procédure judiciaire avancera indépendamment du processus diplomatique», a commenté l'ancien ambassadeur Özdem Sanberk, membre pour la Turquie d'une commission d'enquête mis en place par l'ONU sur l'affaire.

Le 31 mai 2010, les commandos israéliens avaient abordé de nuit par hélicoptère et dans les eaux internationales le Mavi Marmara, navire amiral d'une flottille d'aide humanitaire affrété par l'IHH et parti pour briser le blocus israélien de Gaza.

Lors de l'abordage, les commandos avaient ouvert le feu tuant neuf militants et faisant de nombreux blessés.

L'affaire avait déclenché une grave crise diplomatique entre la Turquie et Israël, qui entretenaient jusqu'alors des relations de coopération assez étroites, notamment sur le plan militaire.

Opération militaire «excessive»

Le rapport de l'ONU sur l'attaque a souligné que l'opération de la marine israélienne était «excessive» tout en estimant que le blocus maritime de Gaza était légal.

L'IHH a en outre annoncé lundi qu'elle n'abandonnera pas les poursuites judiciaires contre les militaires israéliens dans le cadre d'un éventuel accord d'indemnisation qui mettrait fin au contentieux turco-israélien.

«Nous n'abandonnerons pas les poursuites en justice. Nous pensons que les criminels doivent être jugés dans tous les cas», a indiqué à l'AFP un porte-parole de l'IHH.

Le responsable a souligné que, «même si nous abandonnons, les familles des victimes ne le feront pas».

Les deux pays, depuis en froid, sont néanmoins en discussions pour un accord qui dédommagerait les victimes.

Le montant des compensations qui seront versées par Israël n'est pas encore connu. Selon la presse israélienne, l'État hébreu a offert une enveloppe de 20 millions de dollars aux victimes turques.

Une fois signé, le futur accord doit encore être ratifié par le Parlement turc pour avoir une valeur internationale.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a formellement présenté des excuses en mai 2013, mais la normalisation des relations entre les deux pays reste suspendue aux négociations d'indemnisation.