Un Turco-Américain fait partie des neuf victimes de l'assaut israélien contre la flottille civile qui tentait de briser le blocus de la bande de Gaza, ont annoncé hier les autorités américaines. Furkan Dogan, âgé de 19 ans, était né aux États-Unis et vivait en Turquie depuis l'âge de 2 ans. Les autres victimes sont toutes turques. Cette annonce vient compliquer encore des relations diplomatiques déjà tendues: Israël se trouve de plus en plus isolé, voire abandonné par ses alliés.

Au micro de CNN, le président américain, Barack Obama, a qualifié hier d'«intenable» le statu quo au Proche-Orient, mais il refuse toujours de condamner son principal allié dans la région tant que les circonstances de l'arraisonnement ne seront pas établies avec certitude.

«Il faut parvenir à une situation dans laquelle les Palestiniens disposent de vraies chances, et que les voisins d'Israël prennent acte de ses inquiétudes légitimes pour sa sécurité et s'engagent pour la paix», a soutenu en ondes le président.

Faisant écho au climat diplomatique tendu, le Wall Street Journal a évoqué hier une proposition de l'Union européenne de reconnaître unilatéralement l'État palestinien selon les frontières de 1967, ce qui obligerait l'État juif à renoncer à ses colonies en Cisjordanie. Israël avait obtenu in extremis que ce passage soit supprimé du projet de résolution soumis par l'UE au Conseil de sécurité de l'ONU en avril.

Allégement du blocus?

Israël a annoncé hier que tous les militants des six navires avaient été expulsés, à l'exception de sept qui sont toujours hospitalisés et de trois autres dont la citoyenneté n'est pas claire.

Selon le New York Times, Israël a chargé la cargaison des six navires dans des camions, mais les véhicules n'ont pas été autorisés à pénétrer dans Gaza: le Hamas préfère attendre que tous les militants aient quitté Israël.

Selon la télévision israélienne, le premier ministre Benyamin Nétanyahou envisagerait par ailleurs d'alléger le blocus de Gaza: il serait question de permettre à des navires marchands de gagner le territoire palestinien à condition que leurs chargements soient préalablement inspectés.

Nouvelles révélations

Même si l'investigation israélienne se poursuit et que les négociations pour la tenue d'une enquête internationale n'ont pas encore abouti, plusieurs détails sur l'assaut de lundi matin ont fait surface.

Sur les ondes de la BBC, un médecin allemand qui se trouvait à bord du navire où ont eu lieu les combats a notamment indiqué avoir vu des militants maîtriser au sol deux soldats israéliens et les faire prisonniers. «Ils n'ont pas été maltraités, a dit le médecin allemand. S'ils avaient été battus ou tués, nous n'aurions pas été d'accord.» Le correspondant militaire de la BBC indique que ces révélations concordent avec l'information en provenance de l'armée israélienne, selon lesquelles les militants s'étaient emparés de deux pistolets de soldats israéliens.

Un nouvel interlocuteur:la Turquie

Cette affaire survient alors que le Proche-Orient vit un profond changement diplomatique. «La Turquie est de plus en plus disposée à jouer un rôle central», explique Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke. «Elle remplace l'Égypte, qui n'a réussi ni à gagner militairement ni à faire la paix avec Israël. Et aussi l'Iran, qui est chiite, donc inquiétant aux yeux des pays sunnites, et qui doit faire face à des troubles internes.

Les États-Unis préfèrent la Turquie à l'Égypte comme principal acteur musulman et sont en train de faire un retrait militaire de la région. Il est possible que les États-Unis aient donné le feu vert à la Turquie pour permettre à l'ONG islamiste qui a affrété le navire de mener à bien ses plans.»

Le parti islamiste au pouvoir en Turquie et l'ONG turque font d'ailleurs tous deux partie de la famille des Frères musulmans, principal mouvement de l'opposition en Égypte, selon M. Aoun.

«Pour les États-Unis, avoir comme principal allié musulman un pays relativement ami avec Israël est précieux. Ils préfèrent gérer une crise entre deux pays alliés, la Turquie et Israël, qu'entre un ami et un ennemi, Israël et l'Iran.»

-Avec The New York Times, BBC, AP, AFP, The Wall Street Journal