Le prix Nobel 2013 d'économie a été décerné lundi aux Américains Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Robert Shiller pour leurs travaux sur les marchés financiers.

Ils sont récompensés pour «leur analyse empirique des prix des actifs», a indiqué l'Académie royale suédoise des sciences.

S'il est impossible de prédire le prix des actions et des obligations pour les prochains jours et semaines, grâce aux travaux de Fama, Hansen et Shiller «il est tout à fait possible de prévoir le cours général de ces prix sur de longues périodes comme les trois à cinq prochaines années», a relevé l'Académie dans son communiqué.

«Leurs méthodes sont devenues des outils standard dans la recherche universitaire, et leurs avancées fournissent des guides aussi bien pour le développement de la théorie que pour la pratique professionnelle des investisseurs», a-t-elle estimé.

Les trois étaient parmi les favoris depuis plusieurs années. Mais il n'était pas évident de prédire qu'ils pourraient être récompensés en même temps.

MM. Fama, 74 ans, et Hansen, 61 ans, sont professeurs à l'université de Chicago, temple de l'école néo-classique en économie qui postule la rationalité des agents économiques.

Le premier est décrit par sa faculté comme «le père de finance moderne», ayant fait avancer la recherche qui prouverait l'hypothèse des marchés efficients. Son nom revenait régulièrement dans les listes d'oubliés du Nobel.

Le second, moins connu, «a développé une méthode statistique qui est particulièrement bien adaptée pour tester les théories rationnelles de la fixation du prix des actifs», a indiqué le jury.

M. Shiller a en quelque sorte pris leur contre-pied, étant l'un des pionniers de la finance comportementale, qui estime que la rationalité des individus n'est pas systématique.

Il a démontré que «les cours des actions fluctuent bien plus que les dividendes des entreprises et que le ratio des cours sur les dividendes a tendance à baisser quand il est élevé, et à augmenter quand il est faible», ce qui est transposable à d'autres catégories d'actifs financiers.

Robert Schiller est le plus connu des trois parmi le grand public. Il a conçu un indice sur les prix de l'immobilier aux États-Unis, appelé Case-Shiller, et publié chaque mois par l'agence d'évaluation financière Standard and Poor's. Cet indice a appuyé sa démonstration selon laquelle le secteur financier américain avait alimenté une bulle spéculative et risquait une catastrophe, qui s'est effectivement produite en 2007-2008 lors de la «crise des subprimes».

Son livre «L'Exubérance irrationnelle» (2000), dont le titre reprenait une formule célèbre du président de la Fed Alan Greenspan, a été un grand succès de librairie.

Le krach immobilier et la crise financière mondiale qu'il a entraînée ont mis en lumière «des erreurs et imperfections dans notre système financier sur lesquelles nous travaillons déjà pour les corriger. Je pense qu'il faudra des décennies, mais nous avons traversé des crises financières de nombreuses fois dans l'histoire et nous en avons généralement appris quelque chose», a-t-il dit, joint au téléphone par le jury.

Ils succèdent aux Américains Lloyd Shapley et Alvin Roth, lauréats 2012.

Le prix Nobel est doté de 8 millions de couronnes (910 000 euros), payés par la Banque de Suède qui a créé le prix en 1969.

Il aura récompensé au final cette année onze hommes, une femme (Alice Munro en littérature) et une organisation.

Deux néoclassiques et un tenant de la finance comportementale

Eugene Fama, 74 ans, né à Boston, a obtenu son doctorat à l'université de Chicago, temple de l'économie néoclassique à laquelle il est resté fidèle. Il est l'un des économistes les plus cités par ses pairs pour ses travaux «sur la relation entre le risque et le rendement et ses implications pour la gestion de portefeuille», selon son université. Ceux-ci sont un classique pour tout étudiant en finance. Avec un collègue, Kenneth French, il est à l'origine d'un modèle pour décrire les rendements des actions. Eugene Fama donne aussi dans la pratique avec un poste de consultant pour une société de conseil en investissement, Dimensional Fund Advisors. Il a une réputation d'homme inébranlable dans ses convictions libérales, et en 2010, dans un entretien avec le New Yorker, il défendait l'idée que la grande crise des années 2008-2009 n'avait pas pour origine le marché immobilier, pas même les bulles spéculatives sur les marchés, mais les cycles économiques. «Le reste du monde s'est converti à la notion selon laquelle les marchés sont plutôt bons pour allouer les ressources», disait-il, argumentant contre la régulation publique. Il a quatre enfants et dix petits-enfants.

Lars Peter Hansen, né à Champaign dans l'Illinois (nord des États-Unis), 61 ans, a obtenu son doctorat à l'université du Minnesota en 1978. Depuis 1990 il est à l'université de Chicago. Mathématicien accompli, il est un auteur de référence en économétrie grâce à un modèle statistique sur l'adaptation des agents économiques dans leurs décisions financières aux changements d'environnement. Néoclassique, il a publié quatre livres, dont un avec le Nobel d'économie 2011 Thomas Sargent. Des trois lauréats 2013, il est le plus discret médiatiquement et le moins connu. Il a un fils.

Robert Shiller, 67 ans, est le plus connu des trois, s'exprimant régulièrement à la télévision sur l'état de l'économie américaine. Professeur d'économie et de finance à l'université de Yale, il est né à Detroit en 1946. En 2011, il était considéré comme l'une des 50 personnalités les plus importantes du monde de la finance, selon Bloomberg. Après avoir obtenu son doctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston, il s'est spécialisé dans l'étude des marchés financiers et des comportements des différents acteurs et du public sur et vis-à-vis de ces marchés. Pionnier de la finance comportementale, il estime que la rationalité des individus n'est pas systématique. M. Schiller a conçu un indice sur les prix de l'immobilier aux États-Unis, appelé Case-Shiller, et publié chaque mois par l'agence d'évaluation financière Standard and Poor's. Cet indice a appuyé sa démonstration selon laquelle le secteur financier américain avait alimenté une bulle spéculative et risquait une catastrophe, qui s'est effectivement produite en 2007-2008 pendant la «crise des subprimes». Son livre «L'Exubérance irrationnelle» (2000), dont le titre reprenait une formule célèbre du président de la Fed (Réserve fédérale américaine) Alan Greenspan, a été un grand succès de librairie.

Les lauréats des dix derniers prix Nobel d'économie

Voici la liste des lauréats des dix dernières éditions du prix Nobel d'Économie qui a été attribué lundi à Stockholm.

L'édition 2013 confirme l'écrasante domination des États-Unis dans cette discipline: sur les 21 lauréats de ces dix dernières années, 19 sont Américains dont un Israélo-américain.

2013: Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Robert Shiller (États-Unis)

2012: Lloyd Shapley et Alvin Roth (États-Unis)

2011: Thomas J. Sargent et Christopher A. Sims (États-Unis)

2010: Peter A. Diamond et Dale T. Mortensen (États-Unis); Christopher A. Pissarides (Chypre/Grande-Bretagne)

2009: Elinor Ostrom et Oliver E. Williamson (États-Unis)

2008: Paul Krugman (États-Unis)

2007: Leonid Hurwicz, Eric S. Maskin et Roger B. Myerson (États-Unis)

2006: Edmund S. Phelps (États-Unis)

2005: Robert J. Aumann (Israël/États-Unis) et Thomas C. Schelling (États-Unis)

2004: Finn E. Kydland (Norvège) et Edward C. Prescott (États-Unis)