L'attribution vendredi du prix Nobel de la paix à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) met en lumière son périlleux travail en Syrie et conforte le processus de démantèlement de l'arsenal syrien, ont estimé vendredi gouvernements, organisations internationales et ONG.

«Cette récompense arrive presque 100 ans après la première attaque à l'arme chimique - et 50 jours après une révoltante utilisation de ces armes en Syrie. Loin d'être des vestiges du passé, les armes chimiques restent un danger évident et toujours présent», a souligné le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

Pour le président français François Hollande, ce prix «vient donner une consécration» à l'action effectuée par la communauté internationale «depuis plusieurs semaines pour dénoncer l'utilisation des armes chimiques et les éliminer dans un proche avenir» en Syrie.

Le secrétaire d'État américain John Kerry s'est également félicité de la décision du jury, saluant la «mission essentielle» menée par l'OIAC en Syrie pour y éliminer les armes chimiques.

«Le monde n'oubliera jamais la mort de plus de 1000 innocents syriens, tués dans une attaque insensée avec des armes chimiques le 21 août», a souligné M. Kerry dans un communiqué.

Après cette attaque meurtrière attribuée par les Occidentaux au régime de Damas, Américains et Français avaient été tout près d'intervenir militairement. Cette menace a été écartée à la suite d'un accord russo-américain et, dans la foulée, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté la résolution 2118 qui a chargé l'OIAC de détruire l'arsenal chimique syrien.

Le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a souligné que cette attaque avait rappelé au monde «les effets effroyables» des armes chimiques et l'importance du rôle de l'OIAC.

«C'est un vrai geste d'encouragement qui va renforcer le travail de l'organisation en Syrie», s'est réjoui Ake Sellström, qui dirige la mission d'enquête de l'ONU, parallèle à celle de l'OIAC, interrogé par la radio publique suédoise SVT.

«Grande nouvelle pour l'OIAC d'être reconnue de cette manière pour tout ce qu'elle a accompli depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques en 1997», a lancé sur sa page Facebook un des experts de l'organisation internationale, Julian Tangaere.

Les experts internationaux sont à pied d'oeuvre sur le terrain depuis le 1er octobre. En combinaisons spéciales avec casques et gilets pare-balles, ils assurent le démantèlement d'un arsenal qui serait composé de plus de 1000 tonnes d'armes chimiques, dont 300 tonnes de gaz sarin.

La porte-parole de l'ONU à Genève, Corinne Momal-Vanian, a estimé que le Nobel «permet de braquer les projecteurs sur ce que font actuellement les experts de l'OIAC en Syrie dans des conditions très, très difficiles».

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a lui aussi souligné que l'OIAC «faisait face à un défi sans précédent dans ses efforts en Syrie» pour détruire les armes chimiques du régime de Damas, une action activement soutenue par l'Union européenne.

Plus largement, «ce prix Nobel de la paix va donner un nouvel élan au désarmement dans le monde», a estimé le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle en soulignant que «l'OIAC apporte, avec son action en Syrie, une énorme contribution au contrôle et à la destruction des armes chimiques». La chancelière allemande Angela Merkel a fait part quant à elle de son profond «respect» pour le travail de l'organisation.

Amnesty international s'est félicité de l'attribution du Nobel de la paix à l'OIAC, «un lauréat qui le mérite». Mais, a souligné l'organisation de défense des droits de l'Homme, «les armes conventionnelles continuent à être utilisées pour commettre des massacres».

L'annonce du Nobel doit «pousser la communauté internationale à mettre fin aux violations massives (des droits de l'Homme) en Syrie et à poursuivre les responsables des crimes de guerre commis par toutes les parties au conflit», a ajouté Amnesty.

Les talibans pakistanais ont apporté une note discordante: ils «se réjouissent» que la jeune militante pour le droit à l'éducation Malala Yousafzaï n'ait pas obtenu le prix Nobel de la paix.