Erin Gruwell est sans doute l'une des enseignantes les plus connues aux États-Unis. Son travail avec les jeunes des écoles défavorisées a été porté au grand écran l'an dernier, dans le film Freedom Writers, où son PERSONNAGE était incarné par Hilary Swank. Les écoles défavorisées ne sont plus l'exception, dit-elle. Un problème qui menace de freiner l'essor des États-Unis au XXIe siècle.

Le premier cours qu'a donné Erin Gruwell a eu lieu dans la salle 203 de l'école secondaire Woodrow Wilson à Long Beach, en Californie. L'école est située dans un quartier pauvre où les fusillades sont monnaie courante. Ce matin-là, les élèves étaient turbulents. Mme Gruwell n'a pas réussi à calmer la classe.

 

«Personne ne m'écoutait, dit-elle. Certains élèves arrivaient d'une cure de désintoxication. D'autres avaient des problèmes d'apprentissage. Tous avaient été promenés d'école en école. Disons que c'était chaotique comme introduction.»

Plus tard, Mme Gruwell s'aperçoit que les élèves ne s'entendent pas entre eux. Plusieurs sont ouvertement racistes. Elle demande alors à la classe de définir le mot «holocauste». Silence. Un seul élève lève la main.

Mme Gruwell a acheté des livres sur l'holocauste avec son propre argent, et a invité des survivants à venir visiter la classe. Mais sa véritable trouvaille a été de faire tenir un journal de bord aux jeunes. Chaque semaine, les récits - anonymes - circulaient en classe. Les élèves lisaient les pensées des autres.

«Ça a été le déclic, explique Mme Gruwell. Des élèves qui ne se parlaient pas se sont mis à se comprendre, à s'écouter. La classe est devenue comme une famille. L'exclusion n'existait plus.»

Baptisé Freedom Writers, le projet d'écriture de Mme Gruwell a rejoint 150 jeunes au total. Contre toute attente, chacun des élèves impliqués a terminé ses études secondaires. Plusieurs ont poursuivi leurs études au collège.

Bush a vidé les écoles

«La direction de l'école estimait que ces jeunes étaient des bons à rien, explique Mme Gruwell en entrevue avec La Presse. Aujourd'hui, d'anciens élèves travaillent avec moi, dans ma fondation.»

L'histoire de Mme Gruwell a été portée à l'écran l'an dernier dans le film Freedom Writers, avec Hilary Swank dans le rôle de la prof dévouée. Le film a été tourné avec plusieurs jeunes qui étaient véritablement dans la classe de Mme Gruwell. Peu après le tournage, l'un des élèves, Armand Jones, a été tué dans un meurtre perpétré par des membres d'un gang de rue, à Long Beach.

Aujourd'hui, Mme Gruwell, 39 ans, est professeure émérite rattachée à la California State University. Un poste qui lui permet de voyager pour promouvoir le modèle des Freedom Writers dans tout le pays.

Sa nouvelle vocation lui offre aussi un point de vue unique sur la crise qui frappe l'éducation aux États-Unis. Le problème numéro un, selon elle, est celui de la ségrégation.

«Les écoles sont extrêmement ségréguées. C'est le tabou dont personne ne veut parler. Les enfants blancs de la classe moyenne et les riches vont à l'école privée, alors que tous les autres enfants vont à l'école publique. Dans l'école où j'enseignais, il n'y avait pratiquement pas de Blancs.»

La politique de l'administration Bush a été de donner des bourses aux meilleurs élèves des milieux pauvres, pour qu'ils aillent étudier à l'école privée. Une solution à court terme, qui aggrave le problème, dit-elle.

«Cela a pour effet de vider les écoles publiques des bons éléments. Ça baisse le niveau, et ça décourage les enseignants. Ce n'est pas une façon de bâtir un meilleur réseau d'éducation.»

Enseignants terrorisés

L'administration Bush a aussi instauré un système d'évaluation des élèves qui terrorise les enseignants. «Les profs n'apprennent plus aux enfants à réfléchir, ils leur remplissent le cerveau pour qu'ils réussissent à passer le test. C'est très démotivant. Plusieurs enseignants deviennent désabusés et perdent leur passion.»

«Les écoles et les profs ne font les manchettes que lorsqu'il y a une tragédie, dit Mme Gruwell. Le problème, c'est que les vraies tragédies du système ne font jamais les manchettes.»

Selon elle, la solution ne se trouve pas nécessairement dans un plus gros chèque de paye pour les enseignants. «De tout temps, les professeurs ont été sous-payés et surchargés de travail. Ce qu'il faut, c'est un réseau d'éducation à l'écoute des profs. Les enseignants doivent avoir leur place à la table des négociations à Washington. J'en ai assez de voir des fonctionnaires politisés prendre des décisions qui affectent des millions de jeunes. Ce sont les enseignants qui ont les connaissances nécessaires pour savoir ce qui est bon ou pas. Il faut les écouter.»

Aux élections, le mois prochain, Mme Gruwell appuiera Barack Obama. «Je suis derrière lui à 100%. Il comprend l'importance d'améliorer le système d'éducation. On voit que ce n'est pas du bla-bla pour lui.»

Mme Gruwell s'est dite déçue par la nomination de Sarah Palin comme colistière de John McCain. «À la convention républicaine, elle a tourné en ridicule le fait qu'Obama a été travailleur communautaire. Je trouve cela déplorable. Mme Palin appuie le créationnisme et ne comprend pas l'importance de la séparation en l'Église et l'État. À vrai dire, sa candidature me fait peur.»

freedomwritersfoundation.org

Sur le net: Freedomwritersfoundation.org

Éducation: McCain vs Obama

La réforme du système d'éducation américain n'est pas le sujet le plus sexy pour une course à la présidence. Ajoutez à cela une grave crise économique et la guerre en Irak et en Afghanistan, et vous venez d'éclipser complètement le sujet dans les grands médias.

Or, les enjeux sont élevés en éducation: les deux candidats ont des idées bien différentes sur la chose.

John McCain favorise l'octroi de bourses qui permettent aux élèves de familles pauvres de s'inscrire à l'école privée. Il est aussi en faveur de l'enseignement à domicile, un enjeu cher aux familles religieuses.

Barack Obama propose d'investir de l'argent fédéral dans la recherche, et l'enseignement des sciences, des mathématiques et de la technologie. Il est d'accord pour permettre aux parents de choisir l'école que va fréquenter leur enfant, en autant que celle-ci soit dans le système public.

Éducation

Il n'y a pas si longtemps, les Américains se targuaient d'avoir les «meilleurs élèves du monde». Plus maintenant. Une récente étude internationale sur les aptitudes en mathématiques des élèves de 15 ans place les jeunes Américains au 24e rang sur 29 pays, loin derrière Cuba ou le Venezuela. Chez les adultes, ça ne vole guère plus haut: plusieurs observateurs cyniques remarquent que les Américains sont aussi susceptibles de croire aux soucoupes volantes qu'à la théorie de l'évolution de Darwin. Les deux concepts récoltent de 30 à 40% d'appuis dans les sondages...

---------------------------------------------------

La Californie

Capitale: Sacramento

Population: 36 500 000 (2,3% rurale - 97,7% urbaine)

Plus grande ville: Los Angeles (3 849 378 ville, 12 875 587 avec la banlieue)

Origines ethniques

Blancs: 43,1%

Latinos: 35,9%

Noirs: 6,7%

Revenu familial médian: 49 800$

Anciens combattants: 8,8%

Résultats de l'élection de 2000: Gore 53,4% - Bush 41,6%

Résultats de l'élection de 2004: Kerry 54,4% - Bush 44,4%