La vraie bataille entre Barack Obama et John McCain se joue sur le terrain: c'est celle du démarchage téléphonique, du porte-à-porte, de la distribution de tracts ou de l'envoi de SMS pour s'assurer que chaque électeur se rende bien aux urnes le jour «J». Le candidat démocrate y consacre des sommes sans doute astronomiques, tandis que les républicains, maîtres en la matière, misent sur leur savoir-faire.

En 2000, George W. Bush a remporté la présidentielle américaine grâce à ses 527 petites voix d'avance sur le démocrate Al Gore dans l'Etat de Floride. En 2004, John Kerry avait considérablement augmenté les efforts de terrain du Parti de l'âne, mais cela n'a pas empêché George Bush d'être réélu de justesse.

Cette année, les démocrates sont déterminés à ne pas laisser la Maison Blanche leur échapper une troisième fois de suite. «On mène une campagne très vigoureuse pour utiliser nos réseaux de volontaires dans les quartiers et convaincre les électeurs où qu'ils soient», explique Jon Carson, directeur national de la campagne de terrain du candidat démocrate.

En face, «ils ont manifestement les bras et ils ont manifestement l'argent», reconnaît Rich Beeson, directeur politique du Comité national républicain. Mais ce qui compte le plus, dit-il, c'est de savoir quels électeurs il faut mobiliser pour le jour de l'élection et «là-dessus, on a l'avantage».

Les moyens sont de plus en plus sophistiquées, les nouvelles technologies mises à contribution, mais les volontaires restent la clef.

Un dimanche ordinaire au QG républicain de Blue Bell, dans le sud-est de la Pennylvanie, des partisans de John McCain s'affairent pour trier des affichettes McCain/Palin à accrocher sur les portes. Stefanie Zarych, 29 ans, a parcouru 129km en voiture depuis Ventnor, dans le New Jersey, pour donner un coup de main dans cet Etat qui s'annonce plus disputé. «Je serai là tous les jours si je le peux», assure de son côté Michael Santillo, 65 ans, un habituant de King of Prussia, la casquette de vétéran du Vietnam vissée sur la tête.

La veille, à Largo, dans le Maryland, 50 partisans de Barack Obama embarquaient dans un autocar affrété par la campagne pour se rendre à Richmond en Virginie, à 120km de là. Au même moment sur la côte Ouest, des militants californiens partaient vers le Nevada. Ces volontaires de deux Etats acquis aux démocrates allaient eux aussi prêter main forte à ceux qui se démènent dans les Etats voisins plus difficiles.

L'équipe de campagne distribue aux militants des paquets de noms et d'adresses d'électeurs, assortis des fameux codes barres informatiques, ainsi que des tracts, des plans des quartiers et des éléments pour leur petit discours. Ils doivent récolter des informations sur chaque électeur, notamment le candidat qu'ils soutiennent. Si c'est Barack Obama, les inciter à devenir volontaires.

Chaque camp s'appuie sur de massives bases de données, remplies d'informations incroyablement détaillées sur chaque électeur. Le Parti républicain peaufine les siennes depuis plus de dix ans, tandis que les démocrates ont mis les bouchées double depuis 2004 pour bâtir les leurs.

Plusieurs sources sont croisées pour établir une fiche d'identité détaillée de chaque individu: archives électorales, permis de conduire, recensement et même des fichiers commerciaux achetés. Les équipes de campagne peuvent ainsi savoir quel âge à l'électeur, s'il a des enfants, s'il est affilié à un parti, s'il vote souvent, mais aussi quels magazines il lit, quels sont ses hobbies ou ses marques préférées.

Les électeurs sont ensuite classés dans différentes catégories: partisans convaincus, indécis, adversaires farouches..., et le discours adapté en conséquence. Les données sont actualisées constamment, pour un démarchage digne du télémarketing.

Les démocrates reconnaissent que Barack Obama, qui ne manque pas de fonds, a consacré des sommes probablement record pour mobiliser de nouveaux électeurs et regrouper des volontaires. Les réseaux sociaux sur Internet et les textos constituent un élément central de cette stratégie. L'équipe d'Obama s'est notamment montrée très offensive pour faire s'inscrire sur les listes électorales les jeunes et les membres de la communauté noire, en allant sur les campus ou en installant des bureaux d'information dans des instituts de beauté ou chez le coiffeur.

Les inscriptions sur les listes électorales dans tout le pays attestent d'ailleurs de l'effet suscité par le caractère historique de la candidature du sénateur de l'Illinois, qui pourrait devenir le premier président noir de l'histoire des Etats-Unis, et l'un des plus jeunes, à 47 ans.

Côté républicain, les opérations sur le terrain ont démarré lentement au printemps et cet été. Mais les responsables arguent que la semaine dernière les volontaires ont réalisé 600.000 contacts de plus que la même semaine de 2004. Et l'arrivée de la gouverneuse de l'Alaska Sarah Palin sur le ticket républicain aurait remotivé les plus conservateurs qui effectuent le travail essentiel sur le terrain dans les dernières semaines.

Parmi les nouveautés républicaines cette année figure un système téléphonique relié à Internet qui permet aux volontaires de charger rapidement les données dans le dossier de l'électeur plutôt que de les entrer manuellement.