On s'attendait presque à ce que Sarah Palin trébuche en faisant son entrée sur scène. À ce qu'elle bafouille. À ce qu'elle affirme que Vladimir Poutine est le premier ministre du Canada.

On s'attendait presque à ce que Sarah Palin trébuche en faisant son entrée sur scène. À ce qu'elle bafouille. À ce qu'elle affirme que Vladimir Poutine est le premier ministre du Canada.

Les attentes à l'égard de la candidate républicaine à la vice-présidence étaient si peu élevées que seule une bévue majeure ou un incident exceptionnel - un évanouissement à la Claire Lamarche, par exemple - aurait pu faire pâlir encore un peu plus son étoile.

Mais la politicienne qui est apparue ce soir était fort différente de celle ayant multiplié les maladresses au cours des dernières semaines, notamment lors d'une entrevue accordée à la journaliste de CBS Katie Couric.

Palin n'a commis aucune véritable gaffe. Elle n'a peut-être pas semblé avoir l'étoffe d'une présidente (contrairement à Joe Biden), mais elle a livré la marchandise.

>>Lisez les commentaires de nos experts

On entretenait, avant le débat, de sérieux doutes à son sujet. Un Américain sur trois - selon un sondage du Washington Post effectué avant l'événement - se disait hésitant à voter pour John McCain en raison de Palin.

Cette ancienne journaliste sportive aura certes fait grimper sa moyenne au bâton. Elle a pu rassurer bon nombre d'Américains sur son compte.

Elle a même su tirer son épingle du jeu en matière de politique étrangère, même si elle semblait parfois avoir appris - un peu trop - certaines formules par coeur. Elle a même su prononcer le nom du président iranien (Ahmadinejad) avec succès du premier coup. Ce que John McCain n'a pas pu faire lors du débat contre Barack Obama la semaine dernière.

Mais sa véritable force, tout au long du débat, a été son populisme. «Je vais parler directement aux Américains», a-t-elle lancé à un certain moment en fixant la caméra. Et comme elle l'avait fait lors de son discours à la convention républicaine il y a cinq semaines au Minnesota, elle a parlé de «hockey moms», mais aussi de mères qui accompagnent leurs enfants jusqu'au terrain de soccer.

À cette convention, elle s'était elle-même qualifiée de pitbull. Elle en fait la preuve jeudi, montrant les crocs à plusieurs reprises. Elle a notamment attaqué Joe Biden en lui reprochant de trop parler de l'administration de George W. Bush, donc du passé, alors que son ticket présidentiel dit miser sur le futur et le changement. «There you go again», a-t-elle lancé, comme Ronald Reagan l'avait fait jadis contre Jimmy Carter.

Biden a ciblé McCain

Mais en fait, ce n'est pas Bush que Biden avait dans sa ligne de mire. Ni Palin, qu'il n'a jamais véritablement critiquée. C'est McCain qu'il attendait avec une brique et un fanal.

Il est monté au créneau sans jamais faire preuve de condescendance, ce qu'on lui a souvent reproché. Et sans jamais s'enliser dans des explications à n'en plus finir, comme il en a généralement l'habitude. Il a, lui aussi, surpassé les attentes.

Par-dessus tout, Biden a eu l'air plus présidentiel que sa rivale. Son érudition, son expérience, ses 26 années au Sénat - notamment comme président de la commission des Affaires étrangères -, ont fait la différence.

Il a lui aussi fait un usage fort efficace du populisme, citant ses origines humbles et les moments difficiles vécus après la mort de sa première femme dans un accident d'auto. Biden, qui est l'un des rares sénateurs à Washington à ne pas être millionnaire, a semblé être à l'écoute des préoccupations de l'Américain moyen durant tout le débat.

En somme, le colistier d'Obama a lui aussi montré les crocs. Mais il a paru plus sage et plus autoritaire que le pitbull qui cherchait à lui mordre les mollets.