Le secrétaire d'État américain John Kerry a accusé mardi Israël d'avoir entravé le processus de paix avec les Palestiniens, un dialogue sous médiation américaine qui se poursuit toutefois cahin-caha entre les deux camps.

Même s'il n'a pas épargné les Palestiniens, M. Kerry s'en est exceptionnellement pris à l'allié israélien, jugeant que l'annonce la semaine dernière de plus de 700 nouveaux logements à Jérusalem-Est et le refus de libérer des prisonniers palestiniens avaient précipité le processus de paix dans une impasse.

«Malheureusement, les prisonniers (palestiniens) n'ont pas été libérés le samedi (29 mars) où ils devaient l'être», a déploré le chef de la diplomatie américaine devant la commission des Affaires étrangères du Sénat.

«Puis, un jour, deux jours, trois jours sont passés et dans l'après-midi, quand ils (les Israéliens) pouvaient peut-être le faire, 700 logements de colonisation étaient annoncés à Jérusalem et +pouf+, voilà où nous en sommes», a-t-il regretté.

Le gouvernement israélien avait refusé de libérer le 29 mars comme prévu un quatrième et dernier contingent de prisonniers palestiniens, réclamant désormais une prolongation des négociations censées s'achever fin avril.

Le président palestinien Mahmoud Abbas avait réagi en signant le 1er avril les demandes d'adhésion de la Palestine à 15 conventions et traités internationaux, estimant que les nouvelles exigences posées par Israël pour ces libérations le déliaient de son engagement de s'abstenir de toute démarche auprès de la communauté internationale.

Cette décision est intervenue peu après un nouvel appel d'offres par Israël pour 708 logements dans le quartier de colonisation de Gilo, à Jérusalem-Est annexée.

M. Kerry était en tournée en Europe et au Proche-Orient durant cette crise la semaine dernière et il en est rentré vendredi exaspéré et pessimiste face à un dialogue de paix au bord de l'implosion.

Pour la première fois, il avait prévenu -- et il l'a répété mardi -- qu'il y avait «des limites au temps et aux efforts» de Washington «si les parties ne sont pas désireuses de faire des progrès».

M. Kerry se concertait mardi à la Maison Blanche avec le président Barack Obama et son vice-président Joe Biden sur la marche à suivre.

Israël réplique à Kerry 

Le ministre a remis sur les rails fin juillet 2013 le dialogue israélo-palestinien, après trois ans de gel, et a effectué plus d'une dizaine de navettes au Proche-Orient, avec des centaines d'heures d'entretiens avec leurs dirigeants.

La réaction d'Israël à la pique de M. Kerry ne s'est pas fait attendre. «J'ai entendu que le programme de construction à Jérusalem avait été défini par un +pouf+», a ironisé le ministre de l'Economie Naftali Bennett. «Israël ne présentera jamais ses excuses pour ses constructions à Jérusalem», a martelé ce chef du parti nationaliste religieux Foyer Juif.

Le département d'État a lui essayé d'éteindre l'incendie naissant entre les deux alliés: «John Kerry a dit très clairement que les parties avaient pris des mesures non constructives et à aucun moment il ne s'est livré à un jeu d'accusations», a défendu la porte-parole Jennifer Psaki.

De fait, M. Kerry a aussi fustigé les Palestiniens pour «ne pas avoir aidé en adhérant aux traités» internationaux.

Il a renvoyé les deux camps dos à dos, réaffirmant qu'il leur revenait de «prendre les décisions fondamentales».

«Ce n'est pas notre décision», a insisté M. Kerry.

Le secrétaire d'État a aussi été pris à partie par le sénateur républicain John McCain, pour qui le processus de paix «s'est arrêté». «Admettez la réalité!», lui-a-t-il lancé.

«Israéliens et Palestiniens ne l'ont pas déclaré mort. Ils veulent continuer de négocier», lui a répondu le secrétaire d'État.

Les rencontres se poursuivent effectivement depuis dimanche, sous médiation américaine, même si les désaccords persistent. «Il y a encore des divergences entre les positions israélienne et palestinienne et la partie américaine a fait de gros efforts pour surmonter ces difficultés», a dit à l'AFP une source palestinienne, après de nouveaux entretiens tripartites dans la nuit de lundi à mardi, sous les auspices de l'émissaire américain Martin Indyk. Ces rencontres reprendront après une réunion de la Ligue arabe mercredi.

Le département d'État a fait état «d'efforts intensifs pour aplanir les désaccords».