Le processus de paix israélo-palestinien s'enfonçait jeudi un peu plus dans la crise en raison du contentieux sur les prisonniers, menaçant d'effondrement tout l'édifice patiemment échafaudé par le secrétaire d'État américain John Kerry.

Les pourparlers, entrés dans leur neuvième et dernier mois, ont atteint «un moment critique», a reconnu le chef de la diplomatie américaine à Alger, estimant qu'un échec sur les conditions de la poursuite du dialogue constituerait «une tragédie pour les deux parties», après plus de 20 ans de processus de paix.

«Il existe encore un fossé qui doit être comblé assez rapidement», a reconnu M. Kerry, qui s'est de nouveau entretenu dans la journée avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et le président palestinien Mahmoud Abbas, selon le département d'État, réclamant «un compromis décisif pour pouvoir avancer».

Lors d'une rencontre qui a duré jusqu'à l'aube entre négociateurs en présence des médiateurs américains, la chef de la délégation israélienne Tzipi Livni a informé son homologue palestinien Saëb Erakat que la libération d'un quatrième contingent de prisonniers, prévue le 29 mars mais reportée, était désormais annulée.

La Maison-Blanche a souligné que «la décision par les Israéliens de retarder la libération d'un quatrième groupe de prisonniers créait des difficultés», tout en indiquant qu'aucune des deux parties n'avait «dit vouloir rompre les discussions».

Une source proche des discussions a précisé que Mme Livni avait expliqué l'annulation des libérations par les demandes d'adhésion à 15 accords et traités internationaux signées mardi soir par le président palestinien Mahmoud Abbas, alors que, selon elle, le gouvernement israélien s'apprêtait à honorer son engagement.

Les dirigeants palestiniens avaient au contraire expliqué que le non-respect de la date fixée pour les libérations et l'exigence supplémentaire d'Israël d'une prolongation des pourparlers au-delà de l'échéance du 29 avril pour relâcher ces prisonniers les déliaient de leur obligation de s'abstenir de démarches auprès de la communauté internationale.

Lassitude américaine

Selon l'accord conclu en juillet sous l'égide de M. Kerry, Israël s'était engagé à libérer en quatre phases 104 prisonniers incarcérés avant les accords d'Oslo de 1993, dont les trois premiers groupes ont été relâchés.

En contrepartie, la direction palestinienne avait consenti à suspendre toute démarche d'adhésion aux organisations internationales, y compris les juridictions internationales susceptibles de poursuivre Israël.

Le chef de l'opposition israélienne, le travailliste Yitzhak Herzog, a jugé le comportement des deux parties digne d'un «jardin d'enfants», mettant en garde contre un désengagement de Washington.

«Il y a une lassitude profonde (des Américains) qui ont envie de dire: les amis, faites ce que vous voulez, et appelez-nous quand vous aurez terminé!» a déclaré M. Herzog après une rencontre avec l'ambassadeur américain en Israël Dan Shapiro.

Ce découragement américain est «dangereux, très dangereux» pour le processus de paix, a-t-il insisté.

Ces derniers jours, Washington a multiplié ses appels au sens des responsabilités des dirigeants israéliens et palestiniens, laissant entendre qu'il pourrait bientôt les abandonner à leurs querelles.

«Vous pouvez faciliter, vous pouvez pousser, vous pouvez donner un petit coup de coude, mais ce sont les parties elles-mêmes qui doivent prendre des décisions cruciales en vue d'un compromis», a martelé M. Kerry.

Des sources de sécurité israéliennes ont mis en garde contre un échec des pourparlers, jugeant le risque encouru largement supérieur à celui présenté par la libération de centaines de prisonniers palestiniens, envisagée pour obtenir une prolongation des négociations jusqu'en 2015.

«En coulisses, tous les responsables admettent qu'en cas d'échec des négociations, les répercussions sur la sécurité d'Israël seraient plus grandes encore que le prix qu'Israël doit payer pour les poursuivre», a déclaré une source de sécurité citée par le quotidien gratuit Israël Hayom, favorable à M. Nétanyahou.