Les dirigeants palestiniens ont récusé lundi tout nouvel accord intérimaire et le maintien illimité d'une présence militaire israélienne sur leur sol, envisagé par les plans américains qui risquent d'obliger le gouvernement israélien à exposer ses positions sur les questions de fond.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry, à peine revenu du Proche-Orient, a reçu lundi conjointement les chefs des délégations israélienne et palestinienne, Tzipi Livni et Saëb Erakat, et retournera dans la région mercredi, a annoncé le département d'Etat.

Il doit rencontrer le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou jeudi et le président palestinien Mahmoud Abbas vendredi, selon une source officielle palestinienne sous le couvert de l'anonymat.

«Il n'y aura aucun accord sans les prisonniers, Jérusalem et les questions de statut final», a averti le porte-parole de M. Abbas, Nabil Abou Roudeina, en référence aux questions cruciales de Jérusalem, des colonies, des frontières, et des réfugiés.

Dans les propositions américaines «il est question d'un accord-cadre», a indiqué à l'AFP Yasser Abed Rabbo, secrétaire général du Comité exécutif de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

«Qui a dit que nous voulions un accord-cadre? Nous voulons l'indépendance complète et résoudre toutes les questions de statut final», a-t-il souligné, rappelant que M. Kerry s'y était engagé, lors du lancement des négociations.

Une porte-parole du département d'Etat, Jennifer Psaki, a déclaré lundi soir, que, bien que le président Barack Obama et son secrétaire d'Etat «aient utilisé le terme "accord-cadre" ce week-end», les Etats-Unis restaient «concentrés sur un accord de statut final» et non pas intérimaire.

Barack Obama a prévenu samedi que les Palestiniens devraient accepter une «période de transition» après la signature d'un accord de paix, précisant qu'«ils ne pourraient pas obtenir tout ce qu'ils veulent dès le premier jour».

Les Etats-Unis ont trouvé les réponses aux préoccupations de sécurité d'Israël, a assuré M. Obama, tout en s'en remettant à la décision du gouvernement israélien.

M. Abed Rabbo a dénoncé les propositions américaines sur la sécurité aux frontières d'un futur Etat palestinien avec la Jordanie, affirmant que «ces idées vont mener les efforts de Kerry dans l'impasse et à l'échec total».

Report de la libération de prisonniers

M. Nétanyahou exige qu'un Etat palestinien soit démilitarisé et qu'Israël puisse y garder des troupes à long terme dans la vallée du Jourdain. Les Palestiniens refusent toute présence militaire israélienne sur leur territoire après un accord de paix mais acceptent une force internationale, une option rejetée par Israël.

Le plan de sécurité américain complique également la tâche de M. Nétanyahou, qui va se retrouver sous pression pour exposer ses positions sur les questions de fond, soulignent les médias israéliens.

Le commentateur politique du quotidien Maariv souligne que la formule américaine prévoit le maintien de l'armée israélienne sur le Jourdain pendant des années, avec une réduction progressive, ajoutant que sur le «statut final», «il n'y a pas un gouvernement pour accepter les revendications minimales des Palestiniens».

Selon l'éditorialiste du Yediot Aharonot, ce plan «prive Nétanyahou de l'argument qu'il a invoqué à chaque fois qu'il lui a été demandé de discuter du tracé de la future frontière» et risque de rouvrir le débat en Israël sur cette question, menaçant la cohésion de son gouvernement.

M. Nétanyahou a critiqué indirectement lundi le ministre centriste Yaïr Lapid, chef de la deuxième formation de sa majorité, qui avait évoqué un changement de la composition de la coalition en cas d'avancées dans les négociations.

«Ce n'est pas la coalition qui dictera les progrès avec les Palestiniens, mais notre expérience», a rétorqué le Premier ministre lors d'une réunion de son parti de droite, le Likoud.

Maariv rapporte également que la diplomatie américaine a informé les négociateurs palestiniens du report d'un mois de la libération du prochain contingent de prisonniers par Israël, perçu comme un moyen de pression pour céder sur la vallée du Jourdain.

«Nous refusons catégoriquement tout report de la libération du troisième groupe de prisonniers, prévue le 29 de ce mois», a dit à l'AFP M. Erakat, en référence à la libération en quatre phases des 104 Palestiniens emprisonnés avant les accords de paix d'Oslo de 1993, dont la moitié ont été relâchés.

Accord «historique» sur la mer Morte entre Israël, la Jordanie et les Palestiniens

Des représentants d'Israël, de Jordanie et de l'Autorité palestinienne doivent signer lundi un accord qualifié d'«historique» pour tenter de sauver la mer Morte grâce aux eaux de la mer Rouge, a annoncé un ministre israélien.

Selon les termes de l'accord, un système de pompage d'eau va être mis en place dans le golfe d'Aqaba, à la pointe nord de la mer Rouge.

Une partie de l'eau sera dessalée et distribuée en Israël, en Jordanie et aux Palestiniens, tandis que le reste sera transféré par l'intermédiaire de quatre conduits vers la mer Morte, une mer fermée ayant une très haute concentration en sel et qui risque de s'assécher d'ici 2050.

En annonçant l'accord sur la radio militaire, le ministre israélien de l'Eau et du Développement, Sylvan Shalom, a souligné l'intérêt économique de fournir de l'eau dessalée à faible coût, l'intérêt environnemental de «sauver la mer Morte» et l'intérêt «stratégico-diplomatique» d'engager les trois entités sur un projet commun.

«C'est une avancée capitale après de nombreuses années d'efforts. Ce n'est rien de moins qu'un pas historique», a-t-il insisté en confirmant une information publiée par le quotidien Yediot Aharonot.

Après la signature de l'accord, un appel d'offres international va être lancé pour l'ensemble du projet, en commençant par l'usine de dessalement d'Aqaba et l'installation du premier conduit, selon M. Shalom.

Selon Yediot Aharonot, l'idée avait été adoptée dès le traité de paix de 1994 entre Israël et la Jordanie.

La Banque mondiale a publié en 2012 une étude de faisabilité du projet, mais plusieurs organisations de défense de l'environnement ont déjà mis en garde contre les possibles effets néfastes des eaux de la mer Rouge sur le fragile écosystème de la mer Morte.