Israël a infligé un coup sévère au mouvement islamiste palestinien Hamas jeudi dans la bande de Gaza en tuant trois commandants de sa branche armée après avoir tenté d'éliminer son chef.

Au moins 27 autres Palestiniens, dont plusieurs enfants, ont été tués et des dizaines blessés par les frappes israéliennes dans l'enclave palestinienne où les hostilités ont repris mardi après un cessez-le-feu de neuf jours, selon les secours palestiniens.

Mohammed Abou Chamala et Raëd al-Atar «étaient sur notre liste des cinq terroristes du Hamas les plus recherchés à Gaza», a indiqué à l'AFP un porte-parole du Shin Beth, le renseignement intérieur israélien.

Les deux chefs des Brigades Ezzedine al-Qassam, ainsi que Mohammed Barhoum, également présenté comme un dirigeant du bras armé du Hamas, ont été tués à Rafah, dans un raid mené par l'aviation en coordination avec le renseignement israélien, selon les deux belligérants.

Le raid a fait au moins quatre autres morts à Rafah, la ville du sud du territoire qui avoisine la frontière égyptienne et qui est l'un des secteurs les plus dévastés par la guerre, ont indiqué les secours.

Il n'a laissé de l'immeuble dans ou près duquel se trouvaient les victimes qu'un cratère et un tas de ruines. À en croire des témoins, les Israéliens ont employé les grands moyens en décochant pas moins de neuf missiles.

Des funérailles tendues

Mohammed Abou Chamala, commandant pour le sud de la bande de Gaza, et Raëd al-Atar étaient traqués pour leur implication notamment dans l'enlèvement du soldat Gilad Shalit en 2006 - libéré en 2011 en échange d'un millier de prisonniers palestiniens - et la mort de trois soldats à Rafah le 1er août.

L'armée a fait pleuvoir un déluge de feu sur et autour de Rafah après la mort des trois soldats attaqués lors d'une opération de destruction de tunnels.

Raëd al-Atar était considéré comme le principal ingénieur du système sophistiqué de souterrains d'attaques du Hamas, dont la destruction est l'un des principaux objectifs de l'offensive israélienne déclenchée le 8 juillet.

Des milliers de partisans du Hamas en colère ont accompagné les trois hommes au cimetière.

Ils ont été tués après qu'une opération ciblée israélienne eut, semble-t-il, visé mardi soir le chef des Brigades al-Qassam, l'insaisissable Mohammed Deif. Sa femme et leur garçon de sept mois ont été enterrés mercredi. Une autre enfant de Mohammed Deif, Sara, 3 ans, a été retirée morte des décombres jeudi, selon les secours.

Le sort de Mohammed Deif reste incertain. Son organisation a assuré qu'il était encore vivant.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s'est gardé mercredi de confirmer ou d'infirmer que Mohammed Deif avait été visé et a fortiori qu'il avait échappé pour la sixième fois à une tentative d'élimination.

Mais il a justifié le principe : «Les dirigeants des organisations terroristes sont des cibles légitimes».

«Israël devra payer le prix»

«L'assassinat des dirigeants des Brigades Ezzedine al-Qassam est un crime immense qui ne brisera pas notre détermination, ni n'affaiblira notre résistance, mais dont Israël devra payer le prix», a prévenu un porte-parole du Hamas Sami Abou Zouhri.

Au moins 2075 personnes ont été tuées à Gaza depuis le lancement par Israël de son opération visant aussi à faire cesser les tirs de roquettes, selon les secours. Parmi elles, 58 ont péri depuis la rupture de la trêve mardi soir et l'échec des négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens au Caire.

Dans la ville de Gaza, quatre hommes ont été tués lors d'un enterrement. Mais l'armée a dit avoir visé là des combattants palestiniens qui tentaient de tirer des roquettes d'un cimetière.

L'armée a décompté 243 tirs de roquettes sur Israël depuis mardi soir, sans faire état de victimes. En revanche, douze obus ont touché un secteur très proche de Gaza et fait un blessé grave. Au total, 64 soldats et trois civils ont péri côté israélien depuis le début du conflit.

Les tirs de roquettes ont épargné l'aéroport international de Tel-Aviv, malgré la mise en garde mercredi des Brigades al-Qassam qui avaient prévenu les compagnies aériennes étrangères de ne pas se poser à l'aéroport laissant entendre qu'il serait à nouveau pris pour cible.

Entre la soif probable de vengeance du Hamas et le refus israélien de négocier «sous les bombes», les pourparlers avortés du Caire ne donnent aucun signe de reprise, malgré un appel du Conseil de sécurité de l'ONU à les renouer.

Le président palestinien Mahmoud Abbas a rencontré à Doha l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, dont le pays est un allié du Hamas, et Khaled Mechaal, le chef en exil du Hamas.

MOHAMMED ABOU CHAMALA

- 41 ans, commandant général de la zone sud des Brigades Al-Qassam.

- Il a fait ses premières armes dans les années 1990, au sein de la branche armée du Hamas, notamment auprès de Mohammed Deif, le chef d'Al-Qassam, selon le renseignement et l'armée israéliens.

- Il était un décisionnaire impliqué selon les Israéliens dans une série d'attaques ayant tué 9 soldats israéliens entre 1994 et 2008.

- Le Shin Beth le désigne comme «l'un des architectes» de la capture en 2006 du soldat israélien Gilad Shalit au terminal frontalier de Kerem Shalom (sud de la bande de Gaza), qui avait été libéré cinq ans plus tard en échange de plus d'un millier de prisonniers palestiniens.

RAED AL-ATAR

- 40 ans, commandant de brigade, l'un des plus hauts gradés de la branche armée du Hamas dans le sud de la bande de Gaza, il supervisait toutes les activités dans le secteur de Rafah.

- Il est considéré comme le principal ingénieur du système sophistiqué de souterrains creusés par le Hamas pour mener des opérations d'infiltration en Israël. Il est présenté par le Hamas comme un «héros de la guerre des tunnels» de juillet.

- Raëd al-Atar est impliqué ou responsable selon les Israéliens d'attaques à la roquette ou à l'explosif et d'infiltrations dans lesquelles plusieurs civils israéliens ont trouvé la mort.

- Il avait participé à la planification et à la direction de l'opération au cours de laquelle avait été enlevé le soldat Shalit. Selon le Shin Beth, il était l'un des geôliers de Gilad Shalit. Il était apparu sur les télévisions du monde entier, tenant le caporal Shalit par le bras, au moment de son transfert de Gaza vers l'Égypte.

- Il a fondé et formé l'une des unités d'élite combattantes du Hamas. Ce logisticien était aussi responsable de la contrebande d'armes via les tunnels reliant le Sinaï égyptien à la bande de Gaza.

MOHAMMED BARHOUM

- 45 ans, l'un des commandants de la branche armée du Hamas dans le secteur sud de Gaza.

- Il était responsable de la contrebande d'armes, selon l'armée israélienne.

- Mohammed Barhoum avait résidé pendant des années en Syrie et en Libye où il était chargé de la collecte et du transfert de fonds à destination du Hamas à Gaza.

PHOTO KHALIL HAMRA, AP

Des responsables de l'ONU appellent à un cessez-le-feu

Des responsables de l'ONU ont appelé jeudi à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza en soulignant que la poursuite des violences mettait en danger leur capacité à faire face aux besoins des quelques 1,8 million d'habitants de l'enclave palestinienne.

Une des responsables de l'UNICEF à Gaza, Anne-Claire Dufay, a affirmé à l'AFP que la reprise des hostilités menaçait la distribution de l'aide pour des centaines de milliers d'enfants.

«Nous avons un urgent besoin chaque jour de quelques heures de cessez-le-feu pour apporter un soutien aux enfants dans le besoin et à leur famille», affirme-t-elle.

Les travaux de réparation des infrastructures endommagées durant les six semaines de guerre entre Israël et le Hamas ont été interrompus depuis la reprise des affrontements mardi à la suite de l'effondrement d'une trêve qui a suivi l'échec de négociations menées au Caire.

Les membres des équipes de l'UNICEF ont également vu leurs déplacements restreints en raison des violences, ajoute Anne-Claire Dufay.

«Dans le contexte actuel, il nous faudrait au minimum quelques heures par jour pour disposer d'un cessez-le-feu humanitaire nous permettant d'utiliser un corridor», ajoute-t-elle.

Ramesh Rajasingham, qui dirige le Bureau de Coordination de l'Aide Humanitaire (OCHA) dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, affirme elle aussi qu'il y a un «besoin urgent pour un cessez-le-feu».

Le nombre de Palestiniens déplacés a atteint les 435 000 depuis que les négociations pour un cessez-le-feu ont échoué au Caire et que les tirs de roquettes palestiniennes ainsi que les raids israéliens ont repris.

L'ONU estime que le nombre de déplacés pourrait augmenter encore de 23 000 personnes, qui vont tenter de trouver refuge dans les 82 écoles gérées par l'ONU et les sept écoles gouvernementales.

Selon Ramesh Rajasingham, les allers-retours constants entre le domicile et les abris en fonction des cessez-le-feu sont «traumatisants», particulièrement pour les enfants.

«Il est extrêmement difficile pour nous de faire notre travail, de sauver des vie, de protéger et de porter assistance à ceux qui sont dans le besoin pour les équipes médicales, les travailleurs humanitaires et les experts en déminage de munition ou pour les techniciens qui réparent les infrastructures vitales pour la population», ajoute-t-elle.

«À long terme, un arrêt permanent des violences grâce à un accord de cessez-le-feu durable est crucial pour atténuer le désastre humanitaire dans la bande de Gaza», souligne Ramesh Rajasingham.

L'offensive israélienne lancée à Gaza le 8 juillet a fait plus de 2000 morts côté palestinien, en grande majorité des civils, dont plus de 550 enfants.