Il part de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, et débouche trois kilomètres plus loin, de l'autre côté de la frontière, près du kibboutz Nir-Am: pour Israël, ce tunnel illustre la menace que les combattants palestiniens font peser sur ses civils.

Le point de sortie de celui-ci, dont l'armée israélienne a organisé une visite guidée vendredi pour la presse, a été découvert deux mois avant le début le 8 juillet de l'opération «Bordure protectrice». Son entrée, dans une serre, a été localisée il y a quelques jours.

Depuis le début du conflit, l'armée affirme en avoir découvert une trentaine, segment d'un impressionnant réseau souterrain où le Hamas dissimule des armes, des ateliers et des centres opérationnels, «le Gaza sous Gaza».

C'est par ces boyaux creusés depuis l'étroite enclave palestinienne que les combattants du Hamas lancent des attaques au coeur d'Israël. Et par l'un de ces souterrains que le tankiste franco-israélien Gilad Shalit avait été transporté à Gaza en 2006 avant d'être libéré cinq ans plus tard en échange de 1000 prisonniers palestiniens.

Le 21 juillet, un des premiers soldats tués dans l'assaut terrestre lancé à Gaza l'a été dans des combats avec un commando du Hamas qui émergeait d'un de ces tunnels.

Un ouvrage sophistiqué 

Et celui que fait visiter le lieutenant-colonel Max, ingénieur en chef de la Division de Gaza qui ne veut pas donner son nom, montre que le réseau souterrain n'a rien d'artisanal.

Bétonné sur les parois, au sol comme au plafond, haut d'1,75 mètre, large de 70 cm, l'ouvrage est «suffisant pour permettre à un homme armé jusqu'aux dents de se déplacer en restant debout», explique cet officier.

«Le Hamas aurait pu faire passer des dizaines ou même des centaines de terroristes du côté israélien avant que nous nous en rendions compte», assure-t-il.

Il calcule que la construction a nécessité pas moins de 26 000 éléments différents et évalue son coût à trois ou quatre millions de shekels (environ un million de dollars).

Près du plafond d'un mur, un râtelier a été creusé pour y placer du matériel électrique. Au sol, des fils électriques et un double système de rails qui évoquent ceux des mines: «Cela sert à évacuer la terre déblayée, mais aussi à transporter les équipements et les armes vers le territoire israélien», précise le lieutenant-colonel Max.

Plus loin, une étroite niche a été creusée pour stocker des armes. L'armée prévoit de détruire totalement le tunnel dans les prochains jours à coups d'explosifs.

«C'est un travail dangereux, certains des tunnels sont piégés et il y a des risques d'effondrement», selon l'officier.

L'armée a besoin «d'au moins une semaine» supplémentaire «pour neutraliser tous les tunnels, du moins ceux dont nous connaissons l'existence», ajoute-t-il.

«Nous ne nous contentons pas de détruire ces tunnels en faisant sauter leurs deux extrémités. Nous voulons les anéantir sur toute leur longueur, de telle sorte qu'ils ne puissent plus jamais servir», poursuit-il. Des explosifs israéliens sont introduits le long de l'ouvrage par des tuyaux étroits forés dans le sol pour le détruire.

Une mission dangereuse, avec des mines qui peuvent encore être dissimulées ou la possible présence de snipers.

L'officier israélien ne s'étend pas sur la manière dont les tunnels sont découverts, évoquant, sibyllin, le travail d'«un détective qui mènerait une enquête sur un crime en recueillant des indices» et «un «travail de renseignements et de moyens technologiques».

Si elle a accepté de respecter une trêve humanitaire de douze heures samedi, l'armée a prévenu: elle poursuivra ses «activités opérationnelles pour localiser et neutraliser» ces souterrains, sa mission prioritaire.

Photo Jack Guez, REUTERS

L'entrée du tunnel.

Les Gazaouis découvrent leur quartier devenu champ de ruines

Un homme s'évanouit devant les ruines de sa maison, la main d'un cadavre sort de gravats que certains fouillent en quête de maigres effets: durant la trêve de douze heures de samedi, les habitants de la bande de Gaza découvrent un spectacle de désolation.

Partout, de Khan Younès au sud à Chajaya et Beit Hanoun au nord, ils ont bravé l'interdit de l'armée israélienne qui leur avait demandé de ne pas retourner chez eux, pour se retrouver, effarés, dans le champ de ruines qu'est devenu leur quartier.

À Chajaya, banlieue à l'est de la ville de Gaza très durement frappée, un homme d'une soixantaine d'années s'effondre devant ce que fut sa maison, une femme crie, les bras tendus vers le ciel.

Un homme a le visage couvert d'un masque médical. Durant la trêve, des corps continuent d'être découverts. Certains, couverts de poussière, jonchent les rues, parfois dans une mare de sang séché, non loin de cadavres d'animaux.

À Beit Hanoun, où des bombes s'abattaient encore dans les instants précédant la trêve qui a débuté à 8 h (1 h au Québec), un avant-bras émerge des gravats.

Non loin de là, le corps d'un secouriste gisant dans l'hôpital vient rappeler le prix payé par les civils dans le conflit entre Israël et le mouvement palestinien Hamas dans cette minuscule bande de terre surpeuplée.

'Comme un tremblement de terre' 

Six heures après le début de la trêve, 85 dépouilles avaient été retrouvées, portant à 985 le bilan des morts palestiniens en 19 jours d'offensive israélienne, selon les secours locaux. Pour Israël, c'est le Hamas qui porte la responsabilité de ces drames, en abritant ses armes, ses infrastructures et ses combattants derrière sa population utilisée comme «boucliers humains».

Beaucoup fouillent les ruines et repartent avec quelques maigres effets, couvertures ou vêtements retrouvés dans les décombres.

Une entreprise périlleuse, comme le relève Khader Soukar, habitant de Chajaya: «Nous avons peur de toutes ces bombes non explosées sur nos toits et des mines dans le sol. Nous avons peur d'ouvrir une porte et de tomber sur une bombe.»

«C'est comme un tremblement de terre d'une magnitude de 10 degrés. On n'a plus aucun repère dans cette zone. Un quartier où j'ai grandi depuis que j'ai cinq ans et que je n'ai pas réussi à trouver», se lamente devant les ruines Abou Mohammed, 37 ans, habitant de Beit Lahiya, au nord de la ville de Gaza.

«Regardez, il ne reste rien (...) Il n'y a rien», dit à Chajaya Khader Soukar qui évoque également «un tremblement de terre ou une bombe nucléaire». «Je suis venu de Jabaliya parce que je veux voir ma maison. Nous ne sommes pas parvenus à l'atteindre jusqu'à présent», explique un habitant de Beit Lahiya, Farid al-Zawidy, 57 ans.

Le bruit des drones 

L'entreprise de reconstruction s'annonce gigantesque. Selon des chiffres fournis par l'ONU jeudi, plus de 3300 familles, soit 20 000 personnes, ont vu leur logement entièrement détruit par les frappes israéliennes. Le même nombre de familles ne pourra pas rentrer rapidement, les dégâts étant trop importants chez elles.

Plus de 160 000 personnes ont dû fuir leur foyer pour des refuges de l'ONU, soit près de 10% de la population. À Kouza (sud-est), un réservoir calciné vient montrer que la pénurie chronique d'eau dont souffre le territoire empirera avec ce conflit. Selon l'ONU, 1,2 million de Gazaouis ont un accès nul ou très limité à l'eau potable.

La population sait qu'elle n'en a peut-être pas fini de ses épreuves, la trêve acceptée par Israël et le Hamas expirant à 20 h (13 h au Québec). Sur la route entre Gaza et Khan Younès au sud, les gens se pressent d'acheter des vivres, du carburant, au milieu du ballet ininterrompu d'ambulances. Au-dessus de leur tête, à défaut des chasseurs israéliens, le bruit des drones vient leur rappeler la menace.