La routine n'a pas tardé à reprendre ses droits. Quelques minutes seulement après la fin d'une trêve humanitaire de cinq heures entre Israël et le Hamas, les tirs de roquettes ont repris sur Sdérot, hier.

Aux alentours de 15h, la fameuse alerte rouge a été déclenchée. Bien rodés, les automobilistes ont arrêté leurs véhicules sur le bas-côté et se sont réfugiés dans un des petits abris en béton qui parsèment les rues de la ville.

Ses trois jeunes enfants blottis contre elle, Smadar a attendu calmement une minute après la fin de la sirène, conformément aux consignes officielles. Puis, la jeune femme a repris son chemin. «C'est triste à dire, mais ces alertes font partie de notre vie. En ce moment, c'est plusieurs fois par jour, mais cela fait presque 15 ans que nous vivons sous les roquettes», constate-t-elle amèrement.

Cette ville limitrophe de la bande de Gaza est en effet sous le feu du Hamas depuis le début de la deuxième intifada, au début des années 2000. Les habitants ont cru que les tirs allaient cesser avec le retrait de l'armée israélienne et des colons de Gaza en août 2005, mais ils ont au contraire redoublé d'intensité. Avec de brusques poussées de fièvre durant l'hiver 2009, l'automne 2012 et en cet été 2014.

«Nous ne pouvons pas continuer à subir un tel déluge de roquettes tous les deux ans et demi», grommèle Amihai. Ce robuste trentenaire, coiffé d'une large kippa tricotée, dirige l'antenne locale du Keren Ner le Ketty, une organisation de bienfaisance basée à Jérusalem.

Chaque jour, il dispense des vivres, des vêtements et surtout du réconfort aux habitants de Sdérot. «Dieu merci, les roquettes font très peu de victimes, mais les gens sont traumatisés. C'est une tension insupportable. Même moi, qui ai combattu dans Tsahal dans des endroits très dangereux comme Naplouse ou à Hébron, je sursaute dès que j'entends une porte claquer.»

La maison de la famille Journo est située au bout d'une charmante allée fleurie, dans un des nouveaux quartiers de Sdérot. De l'extérieur, rien ne la distingue des autres résidences. Mais Avihaï, le propriétaire, brandit son portable pour montrer les photos des dégâts causés par une roquette tombée au premier jour de l'opération Bordure protectrice.

On y voit sa chambre à coucher complètement dévastée, les cloisons du premier étage effondrées et partout dans la maison, une poudre rouge répandue sur le sol. «On a eu de la chance: la charge explosive qui se trouvait sur la roquette n'a pas fonctionné. La poudre s'est échappée un peu partout. Les démineurs sont intervenus immédiatement, et nous avons ensuite tout nettoyé et réparé les dégâts», explique Avihaï.

Sa femme, Tami, se trouvait dans la pièce mitoyenne avec ses deux enfants lors de l'impact. «C'est une pièce blindée. Toutes les maisons de Sdérot en sont équipées, c'est obligatoire. Les murs ont tremblé quand la roquette a frappé la maison. Sans cette pièce blindée, on serait tous morts.» Comme tout le monde ici, Tami et Avihaï ont entendu parler des rumeurs de cessez-le-feu. Et comme tout le monde, ils y sont résolument hostiles. «Je suis prête à rester deux mois dans la chambre blindée s'il le faut. Mais qu'on en finisse avec ces roquettes. Qu'on en finisse avec le Hamas. Une bonne fois pour toutes.»

Soutien quasi unanime

Cette exaspération, cette volonté d'en découdre, on la rencontre partout dans Sdérot. Au café Tovila, la plupart des tables sont vides. Les rares clients sont des journalistes. Un écran géant diffuse le journal télévisé de la deuxième chaîne qui couvre le conflit en continu. La serveuse, Olga, une Israélienne originaire de Russie, ne mâche pas ses mots à la vue de ces roquettes qui menacent désormais tout le pays: «Il faut leur rentrer dedans et tout nettoyer. Il n'y a qu'en Israël qu'on se pose des questions morales sur la manière d'affronter l'ennemi. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les Alliés ont rasé Dresde sans hésiter. Parce que c'était nécessaire. Face à des gens qui visent nos enfants et qui se servent de leur propre population comme bouclier, il ne faut pas avoir de pitié.»

Autant dire que l'opération terrestre entamée par Tsahal en soirée recueille un soutien quasi unanime à Sdérot. Haim, un fringant sexagénaire qui a connu le temps où les habitants de Sdérot faisaient leurs courses à Gaza et se liaient d'amitié avec des Palestiniens, n'aime pas les envolées belliqueuses de ses voisins. Il préfère citer Shimon Peres, le président israélien sortant: «Les Palestiniens auraient pu faire de Gaza un paradis, ils en ont fait un enfer.»