Au neuvième jour de l'opération Bordure protectrice, hier, la mort de quatre enfants en plein après-midi a choqué les habitants de Gaza de même que la communauté internationale. Plusieurs familles ont enterré leurs morts, tandis que d'autres ont tenté de fuir par la frontière égyptienne. Une tentative bien souvent vaine.

Le port de Gaza est déserté. Sur la plage, des bateaux portent les marques des tirs des derniers jours. D'autres flottent sur l'eau, vides. Peu de gens osent s'y aventurer. Les quatre garçons tués hier dans deux frappes successives avaient l'habitude d'y jouer.

> Chagrin et indignations: un photoreportage d'Olivier Pontbriand

Zakaria, Mohamed, Ismael et Ahed Baqr étaient cousins. Plusieurs journalistes étrangers, logés dans les hôtels qui donnent directement sur la scène, ont été témoins de leur mort. Certains ont donné les premiers soins aux victimes. Quatre autres personnes ont été blessées, dont deux enfants.

«J'étais dans ma chambre au sixième étage, qui donne sur la plage, quand j'ai entendu une première frappe très violente, a raconté à La Presse Aude Marcovitch, correspondante de la Radio suisse romande et du journal Libération. Je suis allée à la fenêtre et j'ai vu que c'était un cabanon sur le ponton qui avait été visé. J'ai vu un groupe d'enfants fuir vers la plage. Plus ou moins au milieu de la plage, j'ai vu distinctement un missile arriver de façon oblique et exploser dans le groupe.»

En fin d'après-midi, la famille Baqr a enterré ses morts. «Je suis pêcheur. Les enfants vont souvent jouer sur la plage. Ils y vont tous les jours», a expliqué le grand-père des enfants, Ahed Baqr, secoué, après la procession funéraire.

Debout près de lui, son fils Ataf avait du mal à contenir ses larmes. Devant sa maison, des proches défilaient pour offrir leurs condoléances, comme le veut la coutume. À la fenêtre d'une autre maison, non loin, on entendait des femmes gémir et hurler.

L'armée israélienne a réagi en annonçant l'ouverture d'une enquête et en qualifiant de «tragique» la mort des enfants. Sa cible aurait été des activistes du Hamas.

Morts à Rafah

À Rafah aussi, dans le sud de la bande de Gaza, les processions funéraires ont envahi les rues. Trois familles ont enterré leurs morts en même temps. Après la prière du midi à la mosquée, devant laquelle flottaient des drapeaux du Hamas, les hommes ont transporté jusqu'au cimetière les corps de trois jeunes adultes.

Sabri Hamad Abou Al-Dbeir a enterré son fils Mohammed, 22 ans, troisième de sept enfants, mort dans la nuit de mardi à hier alors qu'il rentrait de chez des amis.

«Je dormais et j'ai entendu une explosion très forte, raconte le père, le regard vitreux. Je suis sorti sur le pas de ma porte, j'ai regardé et j'ai vu quelqu'un par terre. Je ne savais pas qui c'était, je suis allé vers la personne. J'ai réalisé que c'était mon fils. Il était mort sur le coup. Il avait la poitrine ouverte.»

Devant sa maison flotte un drapeau du Fatah, parti modéré de Cisjordanie. M. Abou Al-Dbeir jure que ni son fils ni lui ne sont associés au Hamas ou aux groupes djihadistes. «Mon fils avait de petits projets, il avait des chèvres, des moutons, explique-t-il. Il n'avait aucune affiliation politique.»

Fuir vers l'Égypte

Le nombre de victimes palestiniennes s'élève maintenant à plus de 220 morts, dont 23 dans la seule journée d'hier, et à plus de 1600 blessés.

Le peur continue de pousser les habitants de la bande de Gaza à fuir. Hier, à la frontière avec l'Égypte, les comptoirs étaient pris d'assaut par des gens qui se poussaient pour obtenir l'autorisation d'entrer. Des hommes, des femmes et des enfants jouaient du coude pour monter dans un autocar en direction du pays voisin. Une remorque avait été ajoutée à l'arrière pour transporter les bagages, trop nombreux.

À l'intérieur du bâtiment, plusieurs dizaines de personnes attendaient.

Mohamed Lefranji, dentiste dans la ville de Gaza, accompagnait sa femme, Maha, et sa petite fille de 1 mois, Massa. Depuis trois jours, ils attendent. Il espère que la jeune mère, qui a la nationalité égyptienne, pourra partir avec son bébé. «Ils nous disent: «Peut-être aujourd'hui, peut-être demain.»

On ne sait rien», a dit l'homme de 28 ans, qui restera à Gaza. Sa femme souhaite ardemment rentrer au Caire. «J'ai vraiment trop peur, c'est trop», a-t-elle dit.

Sundos Waafi, elle, espérait rejoindre sa famille en Arabie saoudite. La jeune étudiante en administration n'en peut plus. «J'ai peur, je pleure tous les jours», a-t-elle dit.