Le ciel de la bande de Gaza s'est encore strié hier des traces blanches des roquettes lancées vers Israël et de la fumée des explosions des ripostes israéliennes. Au huitième jour du conflit, le Hamas a rejeté un cessez-le-feu. Pendant ce temps, les habitants continuent de panser leurs plaies.

À quelques mètres du béton brisé, des éclats de verre et des vêtements éparpillés, les habitants du quartier Al-Sheja'iya de Gaza ont enterré les corps et les membres humains retrouvés dans les décombres laissés par un missile israélien, samedi. En tout, 18 personnes d'une même famille sont mortes ce soir-là.

De simples blocs de ciment servent de pierres tombales. Hier, Namen al-Batsh visitait pour la première fois la tombe de sa femme Aziza. L'homme de 63 ans, soutenu par deux proches, avait peine à marcher. Il se trouvait dans la pièce voisine de celle de sa femme quand l'explosion est survenue. «Nous avions fini de prier et la seconde d'après, je ne sais pas ce qui s'est passé, je me suis réveillé à l'hôpital, a-t-il raconté dans un filet de voix. Le deuxième jour, j'ai réalisé que j'avais perdu ma femme, mon frère, les enfants de mon frère...»

Il s'est réveillé avec des blessures à la tête et aux bras. Le côté gauche de son visage, marqué par les cicatrices, était encore couvert d'iode, hier. Son cousin, la véritable cible de l'armée israélienne, est un chef de la police. Il a été blessé, mais a survécu.

Lundi, des voisins fouillaient encore les décombres à la recherche de restes humains, afin de leur offrir une sépulture digne. «Nous avons trouvé cinq personnes en morceaux, a affirmé Mohamed Marghzoug. Nous les avons mis dans une boîte.» Le jeune homme de 18 ans a perdu un camarade de classe, Yahia, dans le bombardement.

Des civils

Namen al-Batsh est le muezzin de la mosquée du quartier. Le samedi soir, il a invité les fidèles à poursuivre la prière chez eux plutôt que de rester sur place, en raison du danger. Il assure qu'aucun «coup sur le toit» - ces obus vides largués sur des cibles par l'armée israélienne pour avertir les civils du danger imminent - n'a été lancé. La famille jure aussi qu'aucune arme ne se trouvait sur place. «Voyez-vous des armes? demande-t-il, visiblement secoué, en montrant ce qui reste de deux maisons détruites et des habitations voisines - dont la sienne - très endommagées. Ce n'est pas une cible militaire, c'est un terrain de civils. Si nous avions des combattants de la liberté ici, nous ne serions pas restés.»

Sa fille Hiba Namal al-Batsh, venue prendre soin de son père, s'emporte. «C'est criminel. Quel genre de personne fait ça?», crie-t-elle.

Derrière son niqab noir, seuls ses deux yeux bruns sont visibles et s'enflamment dès qu'elle ouvre la bouche. «Ma mère, quand ils l'ont retrouvée, ils l'ont identifiée à cause du collier trouvé sur une partie de son corps, crie la femme de 21 ans. Maintenant, j'espère de mourir, de me battre jusqu'à ma mort. Je ne veux pas de nourriture. Je n'ai rien mangé depuis [samedi]. Je n'ai plus envie de vivre. Ils ne nous donnent pas droit à un avenir.»

Hôpital

À l'hôpital al-Shifa de Gaza aussi les victimes des bombardements s'interrogeaient sur leur avenir.

Hussein Abdelatif Radi, étendu sur un lit des soins intensifs depuis quatre jours, espérait recevoir l'autorisation d'un transfert vers la Jordanie ou l'Égypte pour une intervention chirurgicale délicate.

Technicien en laboratoire dans le nord de la ville de Gaza, il rentrait chez lui quand il a été blessé.

«J'ai senti une explosion intense et je me suis senti tomber, a raconté l'homme de 43 ans, le souffle court. Après, je me suis réveillé à l'hôpital.»

Des pansements couvrent son ventre et des machines suivent de près l'évolution de sa situation. Il a perdu son rein gauche, a reçu des fragments d'ogive dans l'abdomen et est gravement brûlé, selon son médecin, le Dr Ata Mohammed Elmizini, qui a demandé le transfert du patient.

Même si sa demande est acceptée, il est difficile pour une personne dans un état critique de faire le trajet de plusieurs heures en ambulance. Sans compter qu'il n'est pas toujours facile de franchir la frontière. «Les cas plus difficiles sont référés en Égypte, mais ça ne se passe pas très bien: ils peuvent attendre des heures [à la frontière] et être renvoyés chez eux», explique Nicolas Palarus, de Médecins sans frontières, basé à Gaza.

Pendant ce temps, l'hôpital manque de tout. «Déjà, avant, c'était difficile, affirme le directeur médical d'Al-Shifa, le Dr Sobhi Skaik. Maintenant, il manque des choses de base: du matériel pour faire des points de suture, des gants chirurgicaux... Et on s'attend à d'autres blessures.»

DES DÉPLACÉS RETOURNENT À LA MAISON... BRIÈVEMENT

Hier, des familles entières avaient pris place sur des charrettes tirées par des ânes sur la route. Direction? Le nord de la bande de Gaza. Plusieurs jours après avoir trouvé refuge dans des écoles de l'UNRWA, dans la ville de Gaza, des habitants de Beit Lahiya et des environs ont réintégré leurs maisons. D'autres, comme la famille de Khitem Rajab et Khaled Lahsoumi, ont fait un saut dans leur demeure d'Attatra avant de retourner entre les murs sûrs de l'école. «Nous sommes revenus pour nous laver, mais nous retournons à l'école, a dit Khitem Rajab, mère de neuf enfants. L'école a dit que nous pouvions revenir prendre une douche, que c'était correct, mais on y retourne. Nous avons trop peur et c'est trop risqué.» La famille voulait aussi s'assurer que tout se passait bien sur sa terre agricole. En attendant de pouvoir revenir à la maison, Khaled Lahsoumi espérait une résolution rapide du conflit et un retour au calme. «La guerre est mauvaise pour les deux côtés, a dit l'homme de 40 ans. Pourquoi ne pas vivre en paix?» L'homme, qui a dit n'appartenir à aucun mouvement politique, a dénoncé les morts civiles du côté palestinien. «Nous n'avons pas l'armée qu'ils [les Israéliens] ont, a-t-il ajouté. S'ils veulent tuer les activistes, ils peuvent le faire, je ne dirai rien, mais pas les civils, les femmes et les enfants.»