La collaboration du président égyptien Hosni Moubarak a été cruciale pour en arriver à la trêve humanitaire d'hier et au début des négociations sur une trêve durable. S'agit-il d'un retour au premier plan de la diplomatie égyptienne, qui paraissait mal depuis quelques années parce qu'elle était incapable d'obliger le Hamas à respecter les accords passés avec le Hamas?

«L'Égypte sent l'urgence de faire cesser les combats», commente Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke. «Plus longtemps ils se poursuivent, plus il y a une surenchère anti-israélienne dangereuse pour le pouvoir égyptien, qui craint le Hamas pour plusieurs raisons. D'un côté, le Hamas est proche des Frères musulmans. De l'autre, Hamas a des alliances très menaçantes pour l'Égypte, avec le régime syrien et avec l'Iran. Ce sont deux pays ennemis de l'Arabie Saoudite, un allié égyptien. L'Égypte a joué un rôle dans le retrait des troupes syriennes du Liban. Et il y a eu des manifestations devant l'ambassade égyptienne à Téhéran juste avant la fin de la trêve à Gaza, en décembre. L'Égypte et l'Arabie Saoudite considèrent que la fin de la trêve par le Hamas est soit une décision aventurière, soit un mauvais calcul, soit un calcul qui répond aux intérêts de l'Iran.»

 

Selon certains Palestiniens, l'Égypte a donné son accord aux Israéliens pour l'intervention contre le Hamas, selon Houchang Hassan-Yari, politologue au collège militaire de Kingston. «Le Hamas se méfie de l'Égypte, mais entre deux maux, ils choisissent le moindre», dit M. Hassan-Yari.

L'Égypte peut-elle faire cesser la contrebande d'armes vers Gaza, l'un des deux principaux objectifs israéliens? Alain-Michel Ayache, politologue à l'UQAM et l'Université Concordia, estime que non parce que les Frères musulmans, proches du Hamas, ont noyauté les services secrets égyptiens. M. Hassan-Yari ajoute que les soldats égyptiens sont mal payés et donc sensibles à la corruption, et aussi aux souffrances des Palestiniens montrées par Al-Jazira. La contrebande entre l'Égypte et Gaza, dont les dividendes sont glanés par les Bédouins du désert du Sinaï, difficiles à contrôler, représente entre 45 et 55 millions US par année, selon M. Aoun.

Aladdin Elaasar, journaliste égyptien qui va publier en janvier The Last Pharaoh, une biographie de Moubarak qui est bannie en Égypte, a une thèse différente. «Moubarak n'est pas sincère quand il dit qu'il va enrayer la contrebande d'armes, dit M. Elaasar en entrevue téléphonique. D'un côté, il veut combattre le Hamas et préserver de bonnes relations avec Israël. Mais quand il a le dos tourné, il prêche le nationalisme arabe à sa population. Les médias officiels égyptiens sont très antiaméricains et antisémites.»