Tout en disant vouloir un cessez-le-feu après sept jours de bombardements aériens, les États-Unis ont donné vendredi le feu vert à Israël pour une offensive terrestre qui s'annonçait imminente alors que l'ONU s'alarmait d'une situation humaine «critique» dans la bande de Gaza.

 

Israël a continué de masser troupes et blindés aux frontières tout en réprimant des manifestations palestiniennes à Jérusalem et en Cisjordanie. Interrogé sur une éventuelle invasion de Gaza, le porte-parole de la Maison-Blanche, Gordon Johndroe, a dit : «Ces décisions appartiennent aux Israéliens.»

«Israël ne veut plus être soumis aux tirs de roquettes du Hamas», qui contrôle la bande de Gaza, a-t-il déclaré. « Tout ce qu'Israël fait, par la voie des airs ou au sol, fait partie de la même opération», a ajouté M. Johndroe.

Les frappes israéliennes ont fait jusqu'à 421 morts et 2100 blessés en sept jours dans le territoire palestinien, selon le Bureau des Affaires humanitaires de l'ONU. Selon les Nations unies, de 20% à 25% des victimes sont des femmes ou des enfants. Des dizaines d'édifices officiels et résidentiels ont également été détruits.

Les roquettes du Hamas ont quant à elles fait quatre morts et une soixantaine de blessés dans le sud d'Israël, ainsi que des dommages matériels.

En prévision de l'offensive terrestre, Israël a autorisé des centaines d'étrangers et de Palestiniens détenteurs d'un passeport étranger à quitter la bande de Gaza.

La branche armée du Hamas a pour sa part affirmé avoir repoussé, à 1 h ce matin (heure locale), une incursion menée par des membres des forces spéciales israéliennes qui tentaient de franchir la zone frontalière de Shijaiyah, dans l'est de la bande de Gaza.

Par ailleurs, conformément à une injonction de la Cour suprême israélienne, le gouvernement de coalition d'Ehoud Olmert a indiqué qu'il permettra à huit journalistes étrangers d'entrer dans le territoire, dont la presse étrangère est exclue depuis deux mois.

Improbable cessez-le-feu

Alors que l'ONU, l'Union européenne, la Ligue arabe, la Conférence islamique et même des pays comme l'Afrique du Sud et le Brésil se démènent en faveur d'un cessez-le-feu, les États-Unis insistent: le cessez-le-feu doit être «viable et durable».

La secrétaire d'État des États-Unis, Condoleezza Rice, a de nouveau imputé la responsabilité des violences au Hamas, à son refus de prolonger en décembre une trêve de six mois et à ses tirs de roquettes sur Israël.

Elle a une fois de plus passé sous silence le fait, relevé par l'ONU et par les médias israéliens, que c'est Israël qui a violé la trêve avec une frappe aérienne qui a fait six morts palestiniens à Gaza le 4 novembre dernier.

La ministre des Affaires étrangères d'Israël, Tzipi Livni, qui mène le parti Kadima aux législatives du mois prochain, a affirmé jeudi qu'un cessez-le-feu «légitimerait le Hamas».

Crise humaine

L'ONU et plusieurs ONG internationales ont commencé à qualifier la situation à Gaza de crise médicale et alimentaire.

La commissaire générale de l'Office de secours et de travaux de l'ONU pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, Keren Koning AbuZayd, a d'ailleurs lancé un appel d'urgence de 44 millions de dollars pour augmenter le volume d'aide à la population en détresse.

Lors d'une vidéoconférence de presse, mercredi dernier, la commissaire a ajouté que c'était la première fois, en huit ans passés à Gaza, qu'elle voyait des gens mendier et fouiller dans les poubelles.

Jenny Linnel, militante pour les droits de l'homme qui vit à Rafah depuis quelques mois afin de documenter le siège imposé par Israël sur le territoire palestinien, confirme que la détresse est à son comble dans la population.

«Je suis horrifiée des scènes dont je suis témoin, a-t-elle affirmé lors d'un entretien avec La Presse. La liste des cibles civiles ne cesse de s'allonger. Ils ont bombardé des universités, des mosquées, des ambulances et des parcs d'enfants. Vendredi, un missile est tombé sur une pharmacie située à 50 mètres de ma maison, en plein coeur d'un quartier résidentiel. L'ampleur de la destruction est immense.»

Joint à son domicile, le président du Centre de santé mentale communautaire de Gaza, le Dr Eyad Sarraj, a décrit Gaza comme «une ville fantôme».

«Les gens sont terrifiés, il n'y a plus personne dans les rues, dit-il. Les vitres de la majorité des bâtiments ont éclaté en raison de la force des frappes. C'est l'hiver et il n'y a plus d'électricité, donc tout le monde gèle.»

«Ma clinique a été bombardée et j'ai trop peur de sortir, ajoute-t-il. Je n'ai aucun moyen de m'enquérir de l'état de mes patients.»

Selon le Dr Eyad Sarraj, le prix de la nourriture a augmenté d'environ 30 % dans la dernière semaine.

Malgré les bilans alarmants dressés par l'ONU et des organismes comme Oxfam, Amnistie internationale et Care, la ministre des affaires étrangères, Tzipi Livni, a affirmé jeudi à Paris qu'il n'y avait pas de crise humaine à Gaza.

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a également ajouté que 335 camions d'aide humanitaire (7800 tonnes) avaient été livrés depuis le début du conflit.

«Tant que la violence ne cesse pas, il est extrêmement difficile d'apporter des vivres aux gens qui en ont besoin, a toutefois souligné le coordonnateur humanitaire de l'ONU, Maxwell Gaylard. Nous ne pouvons déterminer où sont les besoins prioritaires et il est trop dangereux pour les habitants de quitter leur maison.»

- Avec AP et AFP