Arracher un accord sur le nucléaire iranien fut un exercice périlleux. Le faire approuver, appliquer et respecter dans la durée risque d'être tout aussi ardu, prédisent les experts.

«Cet accord est aussi fragile que les forces contre lui sont puissantes», souligne l'analyste Ali Vaez de l'institut International Crisis Group. «Il a des détracteurs de poids en Iran, aux États-Unis et dans la région.»

L'accord entre Téhéran et les puissances occidentales, conclu mardi à Vienne, prévoit que Téhéran limite ses ambitions nucléaires pendant plusieurs années, en échange d'une levée progressive et réversible des sanctions internationales.

Il a fallu quasiment deux ans de négociations acharnées pour en fixer les détails. Et maintenant, il doit être approuvé à Washington, Téhéran et au Conseil de sécurité de l'ONU.

Le Congrès américain, contrôlé par des républicains très méfiants envers l'Iran, a 60 jours pour l'examiner.

Les parlementaires ne pourront bloquer l'application du texte qu'à une majorité des deux tiers. Les chances sont donc faibles qu'ils «mettent à terre un accord multilatéral», estime Suzanne Maloney du think tank américain Brookings institution.

Elle prévoit toutefois beaucoup de «postures» avant l'élection présidentielle de 2016.

L'accord «sera très dur à vendre pour l'administration», a déjà mis en garde le chef du groupe républicain au Sénat Mitch McConnell, prêt à en découdre avec le président démocrate Barack Obama.

«Imparfaite»

Si l'étape du Congrès est surmontée, la course d'obstacles se poursuivra lors de l'application sur le terrain de l'accord, qui s'étale sur une centaine de pages et fourmille de détails techniques.

Téhéran s'est engagé à réduire de manière drastique ses capacités nucléaires (nombre de centrifugeuses, stock d'uranium enrichi...), de manière à rendre quasiment impossible la confection d'une bombe atomique.

Or, le diable est dans les détails. «L'application d'un accord d'une telle complexité sur une période aussi longue ne peut être qu'imparfaite», estime Ali Vaez. Pour lui, il faudra que les deux camps fassent preuve de «bonne volonté et communiquent bien» pour éviter les frictions.

La vérification des engagements iraniens reviendra à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), un organe de l'ONU aux moyens limités, dont le rôle sera déterminant.

«C'est essentiel de faire en sorte que l'AIEA ait les ressources suffisantes pour suivre et vérifier l'accord», souligne Kelsey Davenport, de l'institut Arms control.

Pour elle, il faut aussi que la levée des sanctions internationales, contrepartie des efforts de Téhéran, ait des conséquences concrètes dans le pays.

«Il faudra encourager les entreprises et les banques à reprendre les affaires en Iran, certains pourraient encore être hésitants», conseille l'experte. «Des progrès économiques tangibles seront importants pour encourager Téhéran à respecter ses engagements».

«Face-à-face»

Siavush Randjbar-Daemi de l'Université de Manchester juge aussi que «les choses pourraient aller de travers» au stade des vérifications.

«L'AIEA, en tant qu'arbitre, aura beaucoup de choses à vérifier (...) ce sera un processus très compliqué», dit-il, tout en s'inquiétant pour le respect des engagements une fois que les acteurs du dossier auront changé.

En 2013, l'arrivée du président Hassan Rohani, élu sur la promesse d'une levée des sanctions, avait permis de relancer pour de bon les négociations avec les puissances occidentales.

La relation construite au fil du temps entre les chefs de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif et américaine John Kerry a aussi joué dans le dénouement.

«Qu'est-ce qui va se passer quand Kerry quittera le département d'État et que Zarif sera remplacé?» s'interroge l'universitaire. «On n'en sait rien.»

«Nous ne savons pas s'il y a un changement de fond ou si c'est le face-à-face entre ces deux personnes qui ont permis cet accord», remarque-t-il. «C'est le vrai défi.»