L'Iran et ses interlocuteurs occidentaux ont redoublé d'efforts samedi à Vienne pour tenter de surmonter les derniers points de blocage sur le programme nucléaire de Téhéran, avec des réunions au niveau ministériel jusqu'au milieu de la nuit.

«Tout est sur la table, le moment est venu de décider», a déclaré à la presse le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius à la sortie d'une rencontre avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif.

Depuis quinze jours, le groupe P5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) tente de finaliser un accord avec l'Iran qui garantisse le caractère civil de son programme nucléaire, en échange de la levée des sanctions internationales.

Malgré des progrès, que toutes les délégations reconnaissent, le secrétaire d'État américain John Kerry a fait état samedi matin de «quelques questions difficiles à régler».

«98% du texte est fini, il reste des petits crochets à remplir et surtout deux ou trois questions importantes», a confirmé dans la soirée à l'AFP une source proche des négociations. Pour elle, «il faut maintenant des décisions politiques: si elles sont prises, ça ira rapidement.»

Or, samedi, les négociations ont clairement été menées au niveau politique.

Outre MM. Kerry, Zarif et Fabius, les ministres allemand Frank-Walter Steinmeier et britannique Philip Hammond ont participé à des entretiens à huis clos dans le palais Coburg, qui abrite les échanges.

Leurs homologues russes et chinois sont absents depuis plusieurs jours, mais John Kerry a téléphoné à Sergueï Lavrov dans la journée pour faire le point.

Et le rythme des discussions s'est accéléré dans la soirée avec une réunion du P5+1 à 20H00, une autre entre MM. Zarif, Kerry et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini à 21H40, et une dernière du P5+1 peu avant minuit.

Le but de ces efforts ? Refermer un dossier qui empoisonne les relations internationales depuis plus de 12 ans.

La République islamique est soupçonnée d'avoir mené jusqu'en 2003, et peut-être au-delà, un programme nucléaire militaire sous couvert d'un programme civil, ce qu'elle a toujours nié.

Depuis 2006, les États-Unis, l'UE et l'ONU ont adopté plusieurs trains de sanctions contre Téhéran, qui étouffent l'économie de ce pays de 77 millions d'habitants.

En 2013, les deux parties ont entamé des négociations sérieuses pour sortir de cette crise.

«Arrogance»

En avril, à Lausanne, elles s'étaient entendues sur les grandes lignes d'un texte, notamment la diminution du nombre de centrifugeuses ou du stock d'uranium enrichi de Téhéran.

Depuis, les experts des deux parties ont poursuivi les tractations pour définir les modalités pratiques de l'accord final, initialement prévu pour le 30 juin, mais reporté à trois reprises.

Les négociations ont buté jusqu'ici sur la levée de restrictions sur les armes, réclamées par Téhéran avec le soutien de Moscou. Les Occidentaux jugent cette demande délicate en raison de l'implication iranienne dans plusieurs conflits, notamment en Syrie, en Irak ou au Yémen.

Autre point de désaccord: le rythme de levée des sanctions. Les Iraniens souhaitent un engagement immédiat de leurs partenaires, mais ceux-ci envisagent une levée graduelle et la possibilité de revenir en arrière en cas de violation de l'accord.

Le P5+1 demande aussi que des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) puissent accéder à des sites militaires «si nécessaire», ce que rejettent certains responsables militaires iraniens.

Enfin, les deux camps se disputent sur la durée des clauses imposées à l'Iran.

Jeudi, le ton est monté, chaque partie accusant l'autre de ne pas prendre les décisions nécessaires. Samedi, c'est le guide suprême Ali Khamenei qui, depuis Téhéran, s'est montré ferme. Dans une intervention devant des étudiants, il a estimé qu'en cas d'accord, il faudrait poursuivre la lutte contre les États-Unis, «exemple parfait d'arrogance».

Pour l'analyste Kelsey Davenport, spécialiste du dossier, ce n'est pourtant «plus l'heure de la surenchère ou de durcir les positions. C'est un moment historique et il pourrait y avoir de lourdes conséquences si les négociateurs laissaient filer l'occasion de conclure un bon accord».