Les chefs de la diplomatie des pays occidentaux revenaient mercredi soir à Vienne pour de nouvelles séances exténuantes de discussions sur le nucléaire iranien, dans l'espoir de parvenir à un compromis historique avec Téhéran avant vendredi.

«C'est jouable» pour la nuit de jeudi à vendredi «si les discussions avancent» a estimé un diplomate occidental, estimant qu'on était «très près du moment où il faut décider».

Mais les Iraniens se disent moins pressés. Un porte-parole n'a «pas exclu» que les négociations aillent au-delà de samedi.

Les négociateurs occidentaux souhaiteraient parvenir à un accord au plus tard le 9 juillet à Washington (soit vendredi matin à Vienne compte tenu du décalage horaire), date butoir pour qu'il soit présenté au Congrès américain et examiné dans les trente jours. Au-delà, vacances parlementaires obligent, l'examen du texte serait reporté de deux mois.

Le président américain Barack Obama s'est entretenu mercredi avec le secrétaire d'État John Kerry et d'autres membres de la délégation présente à Vienne.

Depuis près de deux ans, le groupe du P5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne) et l'Iran recherchent un accord qui se dérobe sans cesse sous leurs pieds, en raison de la complexité technique et de l'importance des enjeux.

La communauté internationale veut placer le programme nucléaire iranien sous étroit contrôle, afin de s'assurer que Téhéran ne cherche pas à se doter de la bombe atomique, en échange d'une levée de sanctions imposées depuis une décennie.

Les discussions «sont entrées dans une période sensible et la République islamique d'Iran se prépare à l'après-négociations et à l'après-sanctions», a déclaré mercredi soir le président iranien Hassan Rohani, laissant penser qu'un accord était proche.

«Nous avons beaucoup avancé et nous en sommes maintenant à l'os, aux difficultés politiques fondamentales», a estimé un diplomate occidental, précisant que le texte de l'accord, 70 pages dont cinq annexes techniques, était sur la table.

L'Allemand Franck-Walter Steinmeier, le Français Laurent Fabius et le Britannique Philip Hammond ont ou devaient rallier la capitale autrichienne dans la soirée. Ils retrouveront l'Américain John Kerry, sur place depuis 13 jours, son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.

Les Russe Sergueï Lavrov et Chinois Wang Yi sont absents, partis au sommet des pays émergents des Brics à Moscou.

«Ne menacez jamais un Iranien!» 

Reflétant l'âpreté des discussions, des scènes d'éclats de voix et de tensions ont fuité dans la presse, même si aucune délégation ne les a confirmées.

Selon l'agence iranienne Irna, lors d'une réunion plénière lundi au palais Coburg, Federica Mogherini aurait laissé échapper : «Si c'est comme ça, on va tous rentrer à la maison.»

Réplique de Mohammad Javad Zarif, un diplomate expérimenté et d'ordinaire toujours souriant: «Ne menacez jamais un Iranien!». «Ni un Russe», a souri le Russe Sergueï Lavrov, pour désamorcer la tensions.

Au cours d'une négociation marathon telle que celle menée depuis près de deux semaines à Vienne, un tel incident n'a rien d'anormal en soi et fait partie d'une dramaturgie bien comprise, selon des observateurs.

«Tous les ministres sont de grands fauves politiques. Il y a des moments de grande rigolade et de forte tension, parfois surjoués. C'est du théâtre, même si les enjeux sont énormes», relève l'un d'entre eux.

Mais en attendant, la frustration monte devant cette négociation sans fin, entamée en septembre 2013 et ponctuée par un accord cadre renouvelé deux fois et un compromis politique à Lausanne en avril.

Les Iraniens, qui ont élu Hassan Rohani en 2013 sur la promesse de levée des sanctions, s'impatientent. «Il faut que cela soit fait le plus vite possible. Plus ça dure et plus nous perdons de l'argent et l'occasion de relancer l'économie», lance Mohammad, un ingénieur informaticien à Téhéran.

A Washington, les Républicains y voient la preuve de l'intransigeance de Téhéran.

«Il est temps que le président Obama quitte la table» des négociations, a déclaré mardi le sénateur républicain Marco Rubio, candidat à l'investiture. «Il est temps d'admettre que les pourparlers avec l'Iran sont un désastre», a dit son rival du camp républicain Ted Cruz.

Les points d'achoppement restent toujours les mêmes, notamment la question des sanctions, que l'Iran souhaite voir levées rapidement, alors que le P5+1 veut une levée progressive et réversible.

Dans ce volet sanctions, l'Iran demande notamment la fin des restrictions sur les armes et sur son programme balistique adoptées en 2007 puis renforcées en 2010 par le Conseil de sécurité de l'Onu.

Or, si les négociateurs occidentaux reconnaissent que chaque pays a droit à un programme militaire conventionnel, la levée des restrictions sur les armes et les missiles dans un accord serait difficile à faire passer, compte tenu du contexte régional, et de l'implication iranienne dans plusieurs conflits, notamment en Syrie ou en Irak.