Le président américain Barack Obama a envoyé aux dirigeants iraniens un message lié aux négociations nucléaires avant leur reprise à Vienne, ont rapporté lundi des médias iraniens en suggérant que la lettre a été convoyée par le premier ministre irakien.

«L'un des dirigeants d'un pays voisin a convoyé récemment» ce message de M. Obama à Téhéran, a affirmé Hamshahri, le quotidien le plus lu d'Iran, citant le député Mehrdad Bazrpash.

Le message évoquait les négociations nucléaires qui sont entrées dans leur phase finale à Vienne pour tenter de parvenir à un accord global sur le programme nucléaire de Téhéran. Les discussions ont cependant été prolongées au-delà de la date-butoir du 30 juin en raison de divergences importantes entre l'Iran et le groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne).

Selon le quotidien, «il semblerait que le messager soit le premier ministre irakien Haider al-Abadi», qui avait rencontré M. Obama le 8 juin en marge du sommet du G7 en Allemagne.

M. Abadi s'était ensuite rendu le 17 juin en Iran où il avait rencontré le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei et le président Hassan Rohani.

Hamshahri a également cité le voyage en avril du dirigeant irakien à Washington pour demander une intensification des frappes aériennes américaines sur les djihadistes du groupe armé État islamique (EI) et des livraisons d'armes au gouvernement irakien.

L'existence de ce message, annoncé à la veille de la date-butoir des négociations à Vienne, n'a pas été confirmée de source officielle.

«Les responsables du ministère des Affaires étrangères, dont une source informée à la section irakienne, ont indiqué ne pas être au courant», selon le quotidien.

Mehrdad Bazrpash, membre de la présidence du Parlement, a affirmé à l'agence Fars, considérée comme proche des Gardiens de la révolution, que «dans leurs messages privés, ils (les États-Unis) demandent respectueusement à l'Iran de venir à la table des négociations, mais dans leurs médias et devant le public, ils menacent l'Iran».

En novembre 2014, le quotidien Wall Street Journal avait évoqué une lettre de M. Obama à l'ayatollah Khamenei à propos d'une possible collaboration dans la lutte contre l'EI en cas d'accord nucléaire. L'Iran avait démenti l'existence de cette lettre, Washington refusant de confirmer ou démentir «la correspondance privée entre le président et les dirigeants du monde».

«Le président américain a dans le passé déjà écrit des lettres (aux autorités iraniennes) et dans certains cas il y a eu des réponses», avait toutefois commenté le ministère iranien des Affaires étrangères, alors que les deux pays ont rompu leurs relations diplomatiques après la Révolution islamique de 1979.

Un système d'accès aux sites suspects défini

Les grandes puissances négociant avec Téhéran ont défini un processus permettant à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'accéder aux sites suspects en Iran, a indiqué lundi un haut responsable américain.

«Nous avons défini un processus dont nous pensons qu'il permettra à l'AIEA d'avoir les accès (aux sites) dont il a besoin», a déclaré ce haut responsable sous couvert de l'anonymat, précisant que l'Iran ne serait pas obligé de donner accès à tous ses sites militaires.

Le Guide suprême iranien Ali Khamenei s'est opposé catégoriquement, à plusieurs reprises, à des inspections par l'AIEA de sites militaires iraniens.

«L'idée n'est pas que nous devions avoir accès à tous les sites militaires, parce que les États unis eux-mêmes ne permettraient à personne d'avoir accès à tous leurs sites militaires», a souligné ce responsable américain.

«Tous les pays ont des objectifs militaires conventionnels, des secrets militaires qu'ils n'ont pas envie de partager avec d'autres», a admis cette source.

«Mais dans le contexte d'un accord, si l'AIEA pense qu'elle a une raison d'avoir accès (à certains sites, NDLR), il faut qu'un processus lui donne cet accès», a ajouté ce responsable.

«Trop tôt pour porter un jugement

Kerry ne fait pas de pronostics, Zarif consulte à Téhéran, Lavrov est attendu mardi à Vienne... et les négociations internationales sur le nucléaire iranien se poursuivent discrètement lundi au niveau des experts, en attendant le retour des politiques cette semaine dans la capitale autrichienne.

«Nous travaillons et il est trop tôt pour porter un jugement» sur le résultat des négociations, a déclaré lundi le secrétaire d'État américain John Kerry, à la veille de la date-butoir du 30 juin initialement fixée pour un accord sur le nucléaire iranien.

M. Kerry, seul ministre des Affaires étrangères resté à Vienne après un week-end de ballet diplomatique, a rencontré lundi matin Yukiya Amano, le chef de l'AIEA, l'organe de l'ONU qui jouera un rôle clé dans la vérification de la mise en oeuvre de l'accord, s'il est conclu.

Pendant ce temps, les experts de chaque pays impliqué, qui travaillent depuis des mois sur un des dossiers les plus techniques et les plus complexes de cette dernière décennie, poursuivaient leur minutieux marchandage. En attendant le retour des politiques.

Même s'il est d'ores et déjà acquis que les négociations se prolongeront de quelques jours au-delà du 30 juin, les ministres des différentes parties doivent en effet venir ou revenir cette semaine dans la capitale autrichienne pour trancher et faire de «douloureux choix politiques».

L'Iranien Mohamad Javad Zarif, rentré dimanche à Téhéran pour consultations après deux jours de négociations, devrait retourner mardi à Vienne, où le Russe Sergueï Lavrov est attendu le même jour. Le Français Laurent Fabius s'y rendra à nouveau «cette semaine», probablement comme ses homologues britannique Philip Hammond et allemand Frank Walter Steinmeier.

«Contrat rédigé»

L'Iran et les pays du P5+1 (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne) sont engagés depuis 20 mois dans des discussions intenses pour tenter de régler le dossier. Qui bloque toujours sur des points cruciaux, en dépit d'un accord-cadre conclu début avril dans la douleur à Lausanne.

La communauté internationale veut s'assurer que le programme nucléaire iranien est à vocation strictement civile et que Téhéran ne cherche pas à se doter de la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions internationales qui étranglent son économie depuis une décennie.

Mais des questions cruciales demeurent sans réponse : la durée d'un accord qui briderait le programme nucléaire iranien, le contrôle de la réalisation de cet accord - les modalités et le type d'inspections par l'AIEA des sites nucléaires iraniens constituent une sérieuse pierre d'achoppement -, et enfin la levée des sanctions, immédiate, ou progressive et soumise à des conditions.

Dimanche soir, la Haute représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini avait fait preuve d'un optimisme prudent, assurant que toutes les parties faisaient preuve de «volonté politique» pour arracher un accord.

Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Li Baodong, a déclaré de son côté qu'un accord pouvait être conclu d'ici à une semaine, selon l'agence de presse officielle Xinhua.

Mais les sons de cloche sur l'état d'avancement des négociations varient selon les interlocuteurs et les heures de la journée.

Tous s'accordent cependant à dire que les termes et les paramètres d'un accord sont largement connus. «C'est comme pour l'achat d'un appartement. Le contrat est rédigé. Il reste maintenant à se mettre d'accord sur le prix, la somme qu'il faut payer au départ et en combien d'années on paie», résume une source proche des négociations.

Mais, comme l'a souligné dimanche le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond, «des décisions très difficiles vont devoir être prises».

-Avec Cécile Feuillatre et Siavosh Ghazi