Barack Obama devra demander son avis au Congrès en cas d'accord définitif sur le nucléaire iranien: les parlementaires américains ont définitivement adopté jeudi un mécanisme de supervision dont se serait bien passé le président américain.

La Chambre des représentants, dominée par les républicains, a approuvé à une très large majorité (400-25) une loi qui permettra aux élus d'approuver ou de bloquer l'application par les États-Unis d'un accord final entre les pays 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie + Allemagne) et l'Iran. Le Sénat avait adopté le texte à la quasi-unanimité la semaine dernière.

«La promulgation de cette loi enverra un signal clair à l'Iran: le Congrès jouera un rôle, ce qui renforcera la position de nos négociateurs et freinera l'administration, afin de l'empêcher de se précipiter la tête la première dans un mauvais accord», s'est félicité le sénateur républicain Bob Corker, président de la commission des Affaires étrangères et coauteur du texte.

Les grandes puissances et Téhéran ont conclu un accord-cadre le 2 avril à Lausanne. Elles s'échinent désormais à en régler les détails techniques, au plus tard le 30 juin, afin de garantir la nature pacifique des activités nucléaires de l'Iran en échange de la levée des sanctions internationales imposées depuis 2006. Les pourparlers ont repris mardi à Vienne.

Le Congrès ne s'est pas octroyé la prérogative de «ratifier» un éventuel accord: son aval explicite ne sera pas requis.

Mais pendant 30 jours, l'exécutif américain ne pourra pas utiliser ses pouvoirs pour suspendre les sanctions qui avaient été imposées dans le passé par le Congrès. Les élus prendront le temps de décortiquer l'accord nucléaire et auront trois options: ne rien faire, adopter une résolution d'accord, ou adopter une résolution de désaccord.

Dans ce dernier cas, le président pourra opposer son veto sous 12 jours, qui ne pourra être surmonté que par des votes, sous 10 jours, à la majorité des deux tiers dans chacune des deux chambres du Congrès.

Face à l'exceptionnel consensus parlementaire, Barack Obama s'est engagé à promulguer la mesure.

La Maison Blanche s'opposait initialement à cette approche, estimant qu'elle risquait d'affaiblir la parole de l'exécutif dans les délicats pourparlers. Mais ni la peur de créer un précédent juridique, ni celle que les États-Unis se retrouvent isolés si le Congrès bloquait un accord approuvé par ses partenaires, n'ont dissuadé les élus.

Sanctions contre le Hezbollah 

La loi de Bob Corker va certes moins loin que le nouveau train de sanctions que certains de ses collègues menaçaient il y a quelques mois de voter.

Pour atteindre une quasi-unanimité, les républicains ont été forcés de laisser de côté des clauses jugées inatteignables, comme la nécessité que l'Iran reconnaisse l'État d'Israël.

Reste que les conservateurs, et de nombreux démocrates, considèrent excessives les concessions américaines dans l'accord-cadre de Lausanne, notamment le fait que les Iraniens conserveront des centrifugeuses ou ne fermeront pas le site souterrain de Fordo.

Pour tenter d'en influencer le contenu, ils avaient invité en mars le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, pour un discours au Congrès, frôlant l'incident diplomatique; et les sénateurs républicains avaient écrit directement aux dirigeants iraniens pour leur assurer que le Congrès pourrait remettre en cause la parole de Barack Obama, déclenchant une controverse.

«L'Iran n'a pas besoin d'énergie nucléaire. C'est un pays pétrolier», a argué le sénateur républicain Marco Rubio, candidat à la présidentielle.

Mais les élus ont dû reconnaître qu'en matière de politique étrangère et de sécurité nationale, le président avait la haute main.

«Aujourd'hui, le président est capable de signer un mauvais accord et nous autres, le Congrès des États-Unis, en serions réduits à en lire les détails dans le journal», a expliqué Ed Royce, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre. «Mais grâce à cette loi, tout change».

La Chambre a adressé un autre avertissement à l'Iran jeudi, en adoptant à l'unanimité une loi créant de nouvelles sanctions contre le Hezbollah, allié de Téhéran.

Une façon de «soutenir la sécurité de nos partenaires dans la région», a souligné le président de la Chambre, John Boehner, au moment où Barack Obama réunissait à Camp David ces mêmes partenaires du Golfe, inquiets d'un éventuel rapprochement entre Washington et Téhéran.