Les États-Unis et l'Iran négociaient mardi sur le programme nucléaire de Téhéran, Washington se montrant sceptique sur les chances de boucler un accord politique ces prochains jours alors que Téhéran affirmait que «90% des questions techniques» étaient réglées.

Après 12 ans de tensions entre l'Iran et les Occidentaux et 18 mois de pourparlers intenses, la République islamique et les grandes puissances du groupe 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France, et Allemagne) se sont donné jusqu'au 31 mars pour sceller un règlement politique qui garantirait que l'Iran n'aura jamais la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions.

Après des négociations tous azimuts lundi -- américano-iraniennes à Lausanne et euro-iraniennes à Bruxelles -- MM. Kerry et Zarif étaient encore enfermés depuis mardi matin dans un palace de la ville suisse. Ils sont épaulés par le ministre américain de l'Énergie Ernest Moniz et le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), Ali Akbar Salehi.

Lors d'une suspension des discussions, M. Salehi a affirmé à la télévision publique de son pays être «parvenu à un accord sur 90% des questions techniques lors des discussions avec Ernest Moniz».

Il ne reste «des différences (que) sur une seule question majeure», a-t-il assuré.

Une déclaration optimiste sur les points «techniques» de l'accord en négociation et qui tranche avec le scepticisme exprimé par Américains et Européens quant aux chances de conclure dans les jours qui viennent.

«Nous avons à coup sûr fait des progrès», mais «il nous reste des sujets difficiles», a ainsi mis en garde un haut responsable américain. «Il y encore du chemin», a-t-il insisté, évoquant des divergences sur des domaines «techniques», mais sans entrer dans les détails.

«L'Iran doit encore faire des choix très difficiles (...) afin de répondre aux importantes préoccupations qui subsistent sur son programme nucléaire», avait déjà prévenu lundi soir un autre responsable américain.

Interrogé sur la possibilité d'aboutir d'ici la fin de cette semaine et au plus tard le 31 mars, il avait répondu: «Très franchement, nous ne savons toujours pas si nous le pourrons».

«Il y a eu des avancées, mais il reste des points importants qui ne sont pas réglés», avait également souligné à Bruxelles le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, dont le gouvernement est considéré comme le plus dur du 5+1 à l'égard de Téhéran.

Divergences

Les directeurs politiques des pays du 5+1 et de l'Iran doivent se retrouver mercredi à Lausanne. On ne sait pas en revanche si les ministres des Affaires étrangères viendront cette semaine rejoindre MM. Kerry et Zarif.

À la suite d'un règlement provisoire de novembre 2013, le 5+1 et l'Iran ont repoussé par deux fois la date butoir pour un accord définitif. Washington a prévenu qu'il n'y aurait pas d'autre prolongation.

En cas d'entente politique d'ici au 31 mars, les grandes puissances et Téhéran sont convenus de finaliser d'ici au 30 juin/1er juillet tous les détails techniques. Le premier document de quelques feuillets fixerait les grands chapitres pour garantir le caractère pacifique des activités nucléaires iraniennes. Il établirait aussi le principe du contrôle des infrastructures de l'Iran, la durée de l'accord et le calendrier d'une levée progressive des sanctions.

Sur ce point précis, Téhéran et les 5+1 sont en désaccord.

L'Iran voudrait une levée en une seule fois de mesures punitives prises par l'ONU, les États-Unis et l'UE, qui l'étouffent économiquement et l'isolent diplomatiquement.

Il semble y avoir aussi divergence sur la durée de l'accord et sur la période dite de «breakout» qui laisserait assez de temps au 5+1 pour réagir si l'Iran violait ses engagements. Autre point de discorde, la capacité d'enrichissement d'uranium qui serait laissée à l'Iran et donc le nombre de centrifugeuses.

Dans le flou des négociations, on ne sait pas si ces aspects «techniques» figureraient dans un document politique fin mars ou seraient renvoyés à un texte final fin juin.

Le président américain Barack Obama a maintes fois promis qu'il ferait tout, y compris militairement, pour empêcher l'Iran d'avoir un jour la bombe. Mais depuis septembre 2013, il mise sur la carte diplomatique et a fait d'un rapprochement avec la puissance chiite une priorité de sa politique étrangère.

Un scénario qui provoque la colère d'Israël et d'une partie du Congrès américain, contrôlé par les républicains.

Une cinquantaine de sénateurs républicains ont écrit aux dirigeants iraniens pour les mettre en garde contre un accord avec le président des États-Unis, affirmant que le Congrès aurait le dernier mot.

Pour Obama, la probabilité d'un accord reste 50/50

Le président américain Barack Obama estime que les chances d'aboutir à un accord avec Téhéran sur son programme nucléaire controversé sont toujours de 50/50, a affirmé mardi son porte-parole.

«Dans l'esprit du président, la probabilité n'a pas changé», a déclaré Josh Earnest, tout en se refusant de rentrer dans le détail des discussions en cours à Lausanne, en Suisse, pour tenter de boucler un accord politique d'ici la fin du mois.

«Nous sommes, au mieux, à 50/50», a ajouté M. Earnest, interrogé sur les propos d'un responsable iranien ayant affirmé que les deux pays avaient trouvé un accord sur «90% des questions techniques».

Pour que les discussions aboutissent, «il faudra que les dirigeants iraniens - y compris ceux qui ne sont pas à la table des négociations - signent cet accord», a souligné le porte-parole de M. Obama. «Et le fait est (...) qu'il est difficile de prédire quelle sera exactement leur conclusion», a-t-il ajouté, jugeant que cela représentait «une inconnue dans les négociations».

«L'Iran va devoir prendre des engagements très spécifiques et très difficiles pour répondre aux inquiétudes de la communauté internationale sur son programme nucléaire, mais aussi accepter un ensemble d'inspections extraordinairement poussées», a-t-il ajouté.