L'Iran ne laissera pas les États-Unis, des «fourbes», gâcher la possibilité de conclure un accord, a affirmé jeudi le guide suprême iranien, en réponse aux élus américains sceptiques sur les chances de résoudre la crise sur le nucléaire de Téhéran.

La date-butoir pour parvenir à un tel accord est fixée au 31 mars.

Très impliqué dans le dossier, le secrétaire d'État américain John Kerry s'est envolé jeudi pour la Suisse où il doit revoir son homologue iranien Mohammad Javad Zarif à partir de dimanche pour la dernière ligne droite des négociations.

M. Zarif doit également rencontrer lundi à Bruxelles ses homologues européens du groupe 5+1, avant de revenir à Lausanne, selon le ministère iranien des Affaires étrangères.

Les négociateurs iraniens feront également partie du voyage à Lausanne, a-t-on ajouté de même source, sans préciser la durée de cette nouvelle session.

L'Iran et les puissances du groupe 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) ont jusqu'au 31 mars pour arriver à un règlement politique puis à un texte technique complet d'ici à juillet.

«Nous sommes tous conscients que les deux prochaines semaines sont importantes. Elles sont cruciales. Le temps presse», a fait valoir Jennifer Psaki, la porte-parole du département d'État, depuis Washington.

Mais les tensions persistent entre les partenaires.

Pour preuve, les déclarations jeudi de l'ayatollah Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur les dossiers stratégiques de la République islamique.

Le numéro un iranien a salué l'équipe de négociateurs iraniens «digne de confiance» face aux grandes puissances «fourbes», selon l'agence Isna.

«Les responsables de la République islamique savent ce qu'ils font et savent quoi faire en cas d'accord, afin que les Américains ne puissent pas le violer plus tard», a déclaré l'ayatollah Khamenei, qui évoque régulièrement sa méfiance à l'égard des États-Unis.

Le président iranien Hassan Rohani «a choisi une équipe (de négociateurs) très bonne, digne de confiance et travailleuse», a-t-il dit en recevant les membres de l'Assemblée des experts, une haute instance religieuse. Mais il s'est dit «inquiet car l'autre partie est fourbe et poignarde (son adversaire) dans le dos».

«Les Américains et leurs alliés adoptent toujours un ton plus dur, plus acéré et plus fort quand les échéances se rapprochent afin d'atteindre leurs objectifs, mais c'est une ruse», a-t-il estimé.

Dans une lettre ouverte adressée lundi aux dirigeants iraniens, 47 des 54 sénateurs républicains ont prévenu Téhéran que le Congrès disposait, seul, du pouvoir de lever définitivement les sanctions américaines, adoptées sous la forme de lois ces dernières années.

Dans cette lettre, «les sénateurs américains annoncent officiellement que si ce gouvernement quitte le pouvoir, leurs engagements seront nuls et non avenus. N'est-ce pas là l'extrême décadence de l'éthique politique et l'anéantissement de l'intérieur du système américain?», s'est interrogé l'ayatollah.

«La méfiance grandit»

La missive des républicains a aussi provoqué l'ire de John Kerry qui, lors d'une audition au Sénat mercredi, est allé jusqu'à taxer ses anciens collègues de la Chambre haute d'«irresponsabilité».

La lettre «risque de saper la confiance que des gouvernements étrangers placent dans des milliers d'accords importants qui engagent les États-Unis et d'autres pays», s'est encore alarmé M. Kerry.

Et jeudi, son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier a semblé comprendre, si ce n'est accepter, la réaction courroucée de l'ayatollah Khamenei.

«Évidemment, la méfiance grandit côté iranien (...) où on se demande si on est vraiment sérieux dans ces négociations», a dit M. Steinmeier à la presse à Washington, avant de rencontrer des élus américains au Congrès.

«Ce n'est pas seulement un problème de politique intérieure américaine, c'est (un problème) qui affecte les négociations en cours à Genève», a-t-il ajouté.

L'accord entre l'Iran, qui a toujours nié vouloir se doter de la bombe atomique, et les 5+1 garantirait la nature pacifique et uniquement civile du programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions internationales.

«L'accès de l'Iran à la bombe nucléaire doit être bloqué sans ambiguïté, de manière vérifiable et durable», avait estimé M. Steinmeier mercredi soir avant de rencontrer John Kerry pour un dîner de travail.

M. Steinmeier a également rencontré la conseillère américaine à la sécurité nationale Susan Rice avec laquelle il a discuté «des efforts communs pour s'assurer que le programme nucléaire de l'Iran est  exclusivement de nature pacifique», selon un communiqué du Conseil de sécurité nationale.