Benyamin Nétanyahou a averti mardi devant le Congrès américain qu'un accord sur le nucléaire iranien n'empêcherait pas Téhéran d'avoir la bombe atomique, le président Barack Obama rétorquant au Premier ministre israélien qu'il n'offrait aucune autre solution à la menace iranienne.

M. Nétanyahou a donné un discours historique au Capitole, en forme de défi au président américain, au moment même où Washington et Téhéran négocient en Suisse pour trouver d'ici fin mars un règlement définitif censé encadrer le programme nucléaire controversé de l'Iran.

«Un accord avec l'Iran ne l'empêchera pas de produire des bombes atomiques. Il est même presque certain qu'il produirait ces armes nucléaires, beaucoup d'entre-elles», a martelé M. Nétanyahou.

Critiquant l'accord que préparent les grandes puissances du groupe 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) et la République islamique, le chef du gouvernement israélien a tempêté contre «deux concessions majeures».

«La première est de laisser l'Iran avec un vaste programme nucléaire. La seconde est de lever les restrictions sur ce programme dans environ dix ans», a condamné Benjamin Nétanyahou. «C'est pour cela que cet accord est si mauvais: il n'entrave pas le chemin qui mène l'Iran à la bombe. Il ouvre cette voie qui conduit l'Iran à la bombe», a argumenté le dirigeant israélien, en campagne pour les législatives du 17 mars dans son pays.

A Washington depuis dimanche, il s'était proclamé «envoyé du peuple juif», «en mission historique» contre un Iran qui se hisserait au rang de puissance atomique militaire. Ce qu'Israël est largement soupçonné d'être.

«Rien de nouveau» avec Nétanyahou 

Le président Obama, qui a des relations exécrables avec M. Nétanyahou et avait exclu de le rencontrer, a aussitôt jugé que ce discours n'apportait «rien de nouveau» et n'offrait aucune «alternative viable».

«Nous n'avons pas encore d'accord», a affirmé M. Obama, très remonté.

«Mais si nous réussissons, ce sera le meilleur accord possible avec l'Iran pour empêcher l'Iran de se doter d'une arme nucléaire», a-t-il défendu depuis le Bureau ovale.

Le président démocrate a fait du rapprochement avec cette puissance régionale chiite une priorité de sa politique étrangère, 35 ans après la rupture des relations diplomatiques consécutive à la Révolution islamique.

Sur les 40 minutes du discours solennel de M. Nétanyahou, le département d'État n'y a vu «que de la rhétorique, vraiment rien de plus». La diplomatie iranienne s'en est prise aux «mensonges continus de Nétanyahou, devenus répétitifs et ennuyeux».

Lundi, le président Obama, qui n'a pas regardé le discours de M. Nétanyahou, avait jugé qu'il avait eu tort par le passé sur le bien-fondé d'une solution diplomatique au casse-tête du nucléaire iranien.

Au contraire, a martelé l'Israélien, un accord «permettrait au programme nucléaire iranien de rester largement intact et (...) à l'Iran de se doter d'une arme nucléaire très rapidement, en seulement une année selon les estimations américaines».

Sans compter que cela entraînerait «une course aux armements nucléaires au Moyen-Orient».

«Insulte aux États-Unis» 

Pour sa troisième intervention au Congrès après celles de 1996 et 2011 -- seul Winston Churchill avait fait aussi bien --, le dirigeant israélien a été ovationné par les républicains. Mais une cinquantaine de démocrates ont boycotté le discours et leur chef de file à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s'est dite «attristée par l'insulte faite à l'intelligence des États-Unis».

Le Premier ministre espère que le Congrès, aux mains des républicains, votera de nouvelles sanctions contre Téhéran. Ce à quoi la Maison-Blanche est farouchement opposée, de peur que les négociations internationales ne volent en éclats.

Le voyage de M. Nétanyahou aux États-Unis a jeté un très sérieux coup de froid entre les alliés américain et israélien. Il s'est fait à l'invitation du président républicain de la Chambre des représentants John Boehner, dans le dos de l'administration démocrate.

En signe d'apaisement, M. Nétanyahou a remercié le président Obama pour son «soutien» à Israël et a vanté leur alliance «indestructible».

Simultanément à Montreux, en Suisse, les chefs des diplomaties américaine et iranienne, John Kerry et Mohammad Javad Zarif ont enchaîné les sessions de négociations. Ils doivent continuer jusqu'à mercredi.

Malgré le mutisme sur la teneur des tractations, le ministre iranien a toutefois dénoncé des propos «inacceptables» du président Obama qui, lundi, avait conditionné tout accord avec l'Iran au gel de son programme pendant plus de dix ans.

De son côté, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a jugé que l'on «approchait» d'un résultat des négociations entre le 5+1 et l'Iran, sous l'égide de l'UE.

Ces pourparlers doivent déboucher sur un règlement politique d'ici au 31 mars, puis à un texte technique complet d'ici au 30 juin/1er juillet, garantissant la nature pacifique et uniquement civile du programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions internationales.

L'Iran a toujours démenti qu'il cherchait à acquérir la bombe atomique.