Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a jeté lundi une ombre sur les difficiles négociations qui doivent reprendre entre l'Iran et les grandes puissances sur le programme nucléaire, en affirmant qu'elles «ne mèneront nulle part».

Le numéro un iranien, ultime décisionnaire des dossiers stratégiques, notamment le nucléaire, s'est exprimé après l'arrivée à Vienne de la délégation iranienne menée par le chef de la diplomatie, Mohammad Javad Zarif.

Elle doit reprendre mardi les négociations avec le groupe 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) pour parvenir à un accord définitif permettant de mettre un terme à une décennie de crise entre Téhéran et l'Occident.

Téhéran a conclu un accord de six mois, appliqué depuis le 20 janvier, et accepté le gel d'une partie de ses activités nucléaires contre la levée partielle des sanctions économiques décrétées par les États-Unis et les pays européens.

Mais les responsables iraniens ont récemment averti que les prochaines discussions «seront difficiles».

Les négociations «commencées par le ministère des Affaires étrangères vont se poursuivre et l'Iran ne viole pas son engagement, mais je le dis dès maintenant, elles ne mèneront nulle part», a affirmé l'ayatollah Khamenei devant plusieurs milliers de personnes à Téhéran, cité par son site internet (www.khamenei.ir)

Il a toutefois demandé «aux responsables de poursuivre leurs efforts» pour faire aboutir les négociations tout en soulignant que la seule solution «est de renforcer la puissance nationale et les bases (économiques) du pays».

Mais les récentes déclarations du président américain Barack Obama et du secrétaire d'État John Kerry sur le fait que «toutes les options (étaient) sur la table» pour arrêter le programme nucléaire iranien en cas d'échec des négociations ont particulièrement irrité les responsables iraniens.

«L'ayatollah Khamenei a voulu donner un signal pour dire aux Occidentaux que l'Iran ne continuera les négociations que dans une logique "gagnant-gagnant"», a expliqué à l'AFP Amir Mohebian, un analyste politique iranien proche des conservateurs.

Elles «pourront être arrêtées si cette logique n'est pas respectée et les Américains en seront les responsables», a-t-il ajouté.

Selon lui, les déclarations d'Obama et de Kerry ainsi que les mises en garde aux sociétés étrangères, notamment françaises, de ne pas se précipiter en Iran «sont inacceptables pour Téhéran même si elles sont faites pour rassurer les ultras côté américain».

«Un prétexte»

Pour Alireza Nader, analyste au centre de réflexion Rand basé aux États-Unis, le guide suprême veut «se couvrir» en cas d'échec. «Il soutiendra les négociations, mais si elles échouent, il peut en rendre responsable les États unis ou (le président iranien Hassan) Rohani», explique-t-il à l'AFP. M. Rohani, un modéré élu en juin 2013, a relancé les négociations nucléaires après plusieurs années de blocage.

L'analyste rappelle que «Khamenei est vraiment sceptique sur les négociations et n'a aucune confiance dans les États-Unis (...), mais il doit faire baisser la pression économique sur le gouvernement».

Lundi, l'ayatollah Khamenei a ainsi dénoncé «les pressions et le chantage des États-Unis».

«La question nucléaire est un prétexte pour les États-Unis à leur hostilité à l'égard de l'Iran. Si un jour, la question nucléaire est réglée, ils évoqueront d'autres sujets comme ils le font maintenant avec les droits de l'homme et les missiles balistiques», a-t-il ajouté.

La sous-secrétaire d'État Wendy Sherman, qui mène la délégation américaine aux négociations nucléaires, a récemment affirmé qu'il fallait aborder la question du programme balistique iranien lors des négociations finales sur le nucléaire.

Les responsables américains veulent aussi continuer à imposer des sanctions contre l'Iran à cause de la situation des droits de l'homme et le soutien présumé aux groupes terroristes.

Mais pour M. Zarif, «ces questions n'ont rien à avoir avec les négociations» nucléaires.

Dans un entretien à l'agence officielle Irna, il a assuré que l'Iran n'acceptera pas qu'on lui «dicte ce qu'il doit faire» sur le maintien ou non des sites nucléaires, notamment le réacteur à eau lourde d'Arak. Ce réacteur, encore en construction, est selon l'Iran destiné à fabriquer à terme des radio-isotopes et à la recherche. Mais il inquiète les Occidentaux, car il produira également du plutonium, théoriquement utilisable pour la construction de l'arme atomique.

«Le guide suprême définit les grandes lignes» de la politique du pays sur la question nucléaire, a-t-il rappelé.