Si un sondage avait été mené au sein du département d'État américain pour choisir un successeur à Hillary Clinton, William Burns aurait probablement devancé tous les autres candidats. Tenu en très haute estime par ses collègues, le secrétaire d'État adjoint est évidemment resté à son poste actuel, Barack Obama lui ayant préféré John Kerry comme chef de la diplomatie américaine. Mais le président lui a confié une mission secrète qui aura ouvert la voie à l'entente conclue à Genève sur le nucléaire iranien et sorti de l'ombre ce diplomate de carrière qui parle couramment le français, le russe et l'arabe. Retour sur cette mission et celles qui l'ont précédée.

Des discussions avec l'Iran

Âgé de 57 ans, William Burns connaît bien les tenants et aboutissants du nucléaire iranien, ayant été négociateur en chef des États-Unis dans ce dossier sous George W. Bush. Mais c'est dans son rôle de numéro deux du département d'État qu'il a mené au cours de la dernière année des discussions bilatérales avec l'Iran qui sont restées secrètes jusqu'à samedi soir. Discussions qui se sont notamment déroulées à Mascate, capitale du Sultanat d'Oman, et qui se sont accélérées après l'élection du président iranien Hassan Rohani en juin. Les grandes lignes de l'entente intervenue à Genève ont été négociées lors de la dernière rencontre de Burns avec ses interlocuteurs iraniens.

Ambassadeur en Russie

Né à Fort Bragg, en Caroline-du-Nord, et titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Université d'Oxford, William Burns a été ambassadeur des États-Unis en Russie de 2005 à 2008. Ce poste représentait alors pour lui le couronnement d'une carrière diplomatique entreprise en 1982 qui l'avait notamment mené en Jordanie, où il a été ambassadeur de 1998 à 2001. À Moscou, il s'est fait l'avocat d'une normalisation des relations américano-russes afin de trouver un terrain d'entente sur plusieurs dossiers épineux, dont celui du nucléaire iranien. «Je pense que nous devons reconnaître nos différences, honnêtement et directement, sans prétendre qu'elles n'existent pas», devait-il dire à la presse russe.

Une visite à Kadhafi

Le 23 mars 2004, William Burns est devenu le plus haut responsable américain à effectuer une visite officielle en Libye en 35 ans. Il était alors secrétaire d'État adjoint pour les affaires du Proche-Orient. Sa rencontre avec Mouammar Kadhafi représentait une des étapes finales vers la normalisation des relations entre les États-Unis et la Lybie après des négociations secrètes ayant mené Kadhafi à renoncer aux armes de destruction massive. Quelques jours avant la visite de Burns à Tripoli, un navire contenant la totalité du matériel relatif au programme libyen d'armement nucléaire avait quitté un port libyen à destination des États-Unis. La cargaison contenait les pièces de centrifugeuses destinées à l'enrichissement de l'uranium.

Respecté aux États-Unis

En 1994, l'hebdomadaire Time inscrivait le nom de William Burns au sein de la liste des «50 leaders américains les plus prometteurs de moins de 40 ans». «L'esprit brillant de Burns, son comportement imperturbable et son sens inné pour la discrétion dans un domaine où les ego titanesques s'affrontent souvent font de lui le diplomate de carrière qui monte le plus rapidement parmi sa génération», écrivait le journaliste David Van Biema. Au moment de la nomination de William Burns au poste de secrétaire d'État adjoint pour les affaires publiques en 2008, Shibley Telhami, spécialiste du Proche-Orient à l'Université du Maryland, avait été l'un des premiers à applaudir. «Bill Burns est probablement le diplomate américain le plus respecté et efficace, point à la ligne», avait-il dit.