L'Iran et l'Agence nucléaire de l'ONU sont parvenus lundi à un accord de coopération sur le programme nucléaire iranien mais, signe des divergences persistantes malgré la percée obtenue à Genève, Washington a estimé que l'enrichissement d'uranium n'était pas un «droit établi».

La feuille de route sur les vérifications des activités nucléaires iraniennes a été conclue à l'occasion de la visite à Téhéran du chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Yukiya Amano.

Elle prévoit notamment une inspection de l'usine de production d'eau lourde d'Arak, à laquelle l'agence onusienne tente d'accéder depuis 2011, mais pas du site militaire plus controversé de Parchin, qui viendra plus tard, a assuré M. Amano.

L'accord est un pas encourageant malgré son caractère limité, ont estimé des analystes et diplomates.

Il survient après trois jours d'intenses négociations à Genève entre l'Iran et le groupe 5+1 des grandes puissances, qui n'ont pas permis d'aboutir à un accord sur le programme nucléaire de Téhéran, soupçonné malgré ses démentis de chercher à obtenir l'arme atomique.

Les négociations ont néanmoins permis d'importants progrès, selon des participants, et doivent reprendre le 20 novembre à Genève.

Les pourparlers visent à passer par un «accord intermédiaire» avec «un allègement limité et proportionné des sanctions» internationales imposées à l'Iran, a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague.

Bloquées depuis des années, les discussions ont été relancées par la politique d'ouverture vers l'Occident du nouveau président Hassan Rohani. Réputé modéré, il souhaite mettre fin à dix ans de crise pour obtenir la levée des sanctions qui étouffent l'économie iranienne.

Mais il a répété dimanche que son pays refusait de céder ses «droits nucléaires dans le cadre des régulations internationales, ce qui inclut l'enrichissement (d'uranium) sur le sol iranien».

Le secrétaire d'État américain John Kerry a rétorqué lundi qu'aucun pays n'avait «un droit établi à enrichir» de l'uranium.

Il a aussi affirmé que l'Iran était responsable de l'absence d'accord dans la ville suisse, alors que la presse iranienne dénonçait l'intransigeance de la France.

«Le groupe des 5+1 était unifié samedi lorsque nous avons présenté notre proposition aux Iraniens, (...) mais l'Iran ne pouvait l'accepter à ce moment particulier», a affirmé M. Kerry.

Lundi soir à Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a estimé que des «remarques contradictoires - dont certaines ne correspondent pas à ce qui s'est passé là bas - et le fait de déguiser la réalité (...) n'aidaient pas à bâtir la confiance dans le processus de négociations».

Pas loin d'un accord

L'Occident veut des garanties concernant les capacités d'enrichissement d'uranium de l'Iran, notamment son stock d'uranium enrichi à 20% - étape permettant ensuite rapidement un enrichissement à 90% pour un usage militaire -, le parc de 19 000 centrifugeuses et la fabrication d'une nouvelle génération de machines cinq fois plus rapides.

Des garanties sont aussi demandées sur le réacteur à eau lourde d'Arak, encore en construction et susceptible de produire du plutonium utilisable à des fins militaires.

En échange d'un accord, l'Iran espère un allègement de certaines sanctions, en particulier le gel des avoirs dans des banques hors des États-Unis.

Alors qu'Israël est fermement opposé à l'accord en discussion, M. Kerry a assuré qu'il protègerait au contraire l'État hébreu «d'une manière plus efficace».

Son homologue français Laurent Fabius a estimé que «nous ne sommes pas loin d'un accord avec les Iraniens mais nous n'y sommes pas encore».

Concernant la feuille de route conclue avec l'AIEA, le chef de l'organisation nucléaire iranienne, Ali Akbar Salehi, a notamment annoncé avoir accepté des inspections de l'usine de production d'eau lourde d'Arak, couplée au réacteur nucléaire.

L'AIEA «ne sait pas pour l'instant combien d'eau lourde l'Iran produit réellement», a expliqué Mark Hibbs, un analyste de la Fondation Carnegie. «Ils veulent savoir de façon plus précise» si un nouveau réacteur pourrait entrer en production, et à quelle échéance, selon lui.

Les inspections font partie de la première phase de l'accord qui doit durer trois mois.

Une visite à la base militaire de Parchin, près de Téhéran, où l'agence soupçonne les autorités d'avoir procédé à des tests d'explosions conventionnelles applicables au nucléaire, sera discutée «dans les pas suivant» cette première phase, a précisé M. Amano. Il a souligné qu'il restait «beaucoup à faire» pour lever les inquiétudes de l'AIEA.

L'agence, qui surveille régulièrement les installations nucléaires iraniennes, tente depuis deux ans d'éclaircir certains éléments indiquant que l'Iran avait cherché à développer l'arme nucléaire, principalement avant 2003.