Le président américain Barack Obama et son homologue iranien Hassan Rohani ont amorcé par un bref coup de téléphone un «dégel» sur le nucléaire iranien, mais selon des experts le plus dur reste à faire: convaincre leur propre camp qu'un accord est possible.

Il y a un climat nouveau», dit à l'AFP Shashank Joshi, du Royal United Services Institute de Londres», alors qu'il s'agit du premier contact à ce niveau entre les États-Unis et l'Iran depuis la révolution islamique de 1979.

«Nous assistons au début d'une nouvelle étape dans les relations entre l'Iran et les États-Unis», ose Arshin Adib-Moghaddam, responsable du Centre d'études sur l'Iran à la London School of Oriental and Afgrican Studies.

Le New York Times estimait samedi «difficile de ne pas tomber dans l'euphorie lorsqu'un ennemi devient raisonnable et présente aussi bien».

Mais par un coup de téléphone, Barack Obama et Hassan Rohani n'ont déjoué que le premier d'une série d'obstacles qu'ils trouveront désormais dans leur propre camp.

«Il leur faudra toujours, dans chaque camp, tenir compte de la position des faucons», explique Arshin Adib-Moghaddam. «Rohani est sur un chemin de crête», ajoute-t-il, rappelant à quel point en Iran «la question des relations avec les États-Unis est sensible».

«Le geste de Rohani a été courageux à la lumière des manifestations qui ont eu lieu à son retour», fait valoir Shashank Joshi, ajoutant: «Il aura déplu à pas mal de durs».

À son arrivée à Téhéran, une soixantaine de jeunes islamistes ont accueilli le président modéré aux cris de «mort à l'Amérique» et «mort à Israël», l'un d'entre eux jetant même une chaussure contre la voiture présidentielle, sans toutefois l'atteindre.

M. Rohani a expliqué qu'il avait défendu à New York la position de l'Iran dans le dossier nucléaire dans le cadre de la politique de «souplesse héroïque» définie par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, sans céder sur les «droits» et les «objectifs de la nation».

«Le guide suprême lui a donné le feu vert pour poursuivre ce dialogue, du moins jusqu'à un certain point», affirme Shashank Joshi.

L'Iran demande la reconnaissance de ses droits à l'enrichissement d'uranium sur son sol alors qu'Israël et les Occidentaux l'accusent de chercher à fabriquer l'arme atomique sous couvert de programme nucléaire civil.

«Mais Rohani ne semble pas avoir été autorisé à négocier un rapprochement sur la Syrie, le Liban, le Golfe ou l'influence iranienne au Yémen», estime cet expert. «Or, les questions qui séparent les deux pays vont bien au-delà du nucléaire».

La voie est tout aussi étroite pour la Maison-Blanche qui a immédiatement informé de l'appel historique le Congrès et Israël.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, attendu lundi à la Maison-Blanche pour des entretiens avec M. Obama, a accusé M. Rohani de chercher à «gagner du temps» pour progresser dans le programme nucléaire.

«La mission de Nétanyahou s'annonce difficile», affirmait samedi la radio publique israélienne.

«Obama va être maintenant critiqué à la fois par Israël et par les faucons à Washington», dit Shashank Joshi.

En Europe, après avoir longtemps fait figure de faucon, la France semble intégrer rapidement la nouvelle donne.

Interrogé par l'AFP à New York, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius parle d'un «changement d'attitude très très net» chez les Iraniens et d'«une semaine du dégel», tout en ajoutant: «Il faut voir comment cela va se traduire dans les faits».

«La presse iranienne parle déjà de la création d'une chambre de commerce irano-américaine», relève Thierry Coville, de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Pour lui, «il faut aussi que l'Europe sache reprendre ses relations avec l'Iran et défendre ses intérêts». Encore une complication pour Washington en perspective.