Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif a entamé jeudi, avec un grand sourire, une rencontre sans précédent à New York avec ses homologues des grandes puissances, dont les États-Unis, sur le dossier nucléaire iranien.

C'était la première fois que le ministre iranien des Affaires étrangères et son homologue américain John Kerry se retrouvaient autour d'une même table pour aborder le programme nucléaire iranien que les Occidentaux soupçonnent de cacher un volet militaire.

Avant le début de la rencontre en marge de l'assemblée générale de l'ONU, M. Kerry a déclaré qu'il espérait «une bonne réunion».

M. Zarif, tout sourire, s'est assis à côté de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne qui mène les négociations pour le 5+1 (États-Unis, France, Russie, Chine, Royaume-Uni et Allemagne) avec l'Iran.

Il attendait de cette réunion, a-t-il dit, de voir «quelle sera l'approche et les positions du chef de la diplomatie américaine».

Washington et Pékin ont de leur côté insisté sur l'importance pour l'Iran «de répondre positivement» à l'offre déjà sur la table dans ce dossier en panne depuis huit ans.

La rencontre de jeudi visait à rappeler à l'Iran qu'il y a «une offre sur la table», issue de la dernière réunion d'Almaty, au Kazakhstan, en avril, et de préciser que toute offre iranienne sera «soigneusement» examinée, selon des diplomates occidentaux.

Cette offre date d'avant l'élection du président Hassan Rohani en juin, et le gouvernement iranien n'y a pas pleinement répondu.

«Expert en tricherie»

Avant la réunion, le président Rohani avait appelé jeudi matin Israël à signer le traité de non-prolifération nucléaire, affirmant qu'«aucune nation» ne devrait posséder d'armes atomiques.

«Tant que les armes nucléaires existent, le risque de leur utilisation et la menace de leur prolifération persistent», a déclaré M. Rohani, lors d'une réunion des pays non alignés, en marge de l'assemblée générale des Nations Unies.

«Israël, seul dans la région qui ne soit pas partie du traité de non-prolifération nucléaire, devrait le faire sans délai supplémentaire», a-t-il poursuivi.

Isarël l'a immédiatement accusé de vouloir détourner l'attention de son dossier nucléaire.

«Cet homme est un expert en tricherie», a déclaré à l'AFP le chef de la délégation israélienne Yuval Steinitz.

«Au lieu de dire que l'Iran va finalement respecter les résolutions du Conseil de sécurité, il essaye d'attirer l'attention sur Israël», a ajouté le ministre israélien pour les Affaires stratégiques et de renseignement.

M. Rohani a cependant affirmé sa volonté d'arriver à une solution rapide dans le dossier nucléaire. Dans une interview au Washington Post, il a évoqué un calendrier de «trois mois». Six mois seraient «encore bons», mais cela devrait être une question de «mois, pas d'années», a-t-il dit.

«Mon gouvernement a tout pouvoir pour conclure les pourparlers sur le nucléaire», a-t-il insisté. L'Iran veut que ses «droits nucléaires» soient reconnus, notamment celui de l'enrichissement d'uranium sur son sol, et promet en échange une «totale transparence» sur ses activités, a-t-il ajouté.

La discussion de jeudi devait être «courte», selon Mme Ashton.

Elle avait indiqué, avant la rencontre, qu'elle retrouverait ensuite M. Zarif à Genève en octobre, pour la première série de négociations depuis l'arrivée de M. Rohani au pouvoir en août.

À la tribune de l'ONU mardi, MM. Obama et Rohani avaient tous deux affiché leur volonté de donner une chance à la diplomatie sur ce dossier nucléaire. Mais une rencontre qui faisait l'objet d'intenses spéculations n'a pas eu lieu, preuve de la méfiance enracinée entre les deux pays, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980.

«Les blocages pourraient s'avérer trop difficiles à surmonter (...) Mais je suis convaincu qu'il faut essayer la voie diplomatique», avait déclaré M. Obama, tout en demandant des «actes transparents et vérifiables».

M. Rohani, qui ces derniers jours a mené une véritable opération de charme, notamment auprès des médias américains, a lui aussi évoqué une possible évolution des relations entre les deux pays, en affirmant que l'Iran n'était «pas une menace», ni pour le monde ni pour la région.

Dans ce contexte, M. Zarif a assuré jeudi que son pays était ouvert à des rencontres au plus haut niveau avec les États-Unis. «Une rencontre (entre les deux présidents) n'est ni un objectif en soi ni un interdit», a dit M. Zarif, cité par l'agence officielle iranienne Irna.