Les ministres des Affaires étrangères américain et iranien se retrouveront cette semaine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, une rencontre sans précédent depuis que le dossier nucléaire est devenu un point de contentieux entre les deux pays.

Les pays occidentaux soupçonnent l'Iran, sous couvert d'un programme nucléaire civil, de vouloir se doter de l'arme atomique, ce que Téhéran dément.

Le secrétaire d'État américain John Kerry verra jeudi son homologue iranien Mohammad Javad Zarif à New York, a indiqué lundi la Maison-Blanche, qui n'a pas exclu une rencontre entre les présidents Barack Obama et Hassan Rohani. Les deux dirigeants doivent s'exprimer mardi, à quelques heures d'intervalle, à la tribune de l'ONU où se rendront plus de 130 chefs d'État et de gouvernement durant une dizaine de jours.

Hassan Rohani doit rencontrer mardi le président français François Hollande. Il s'agira d'une première depuis 2005, les contacts entre l'Iran et les Occidentaux restant assez rares depuis la révolution islamique de 1979.

Le nouveau gouvernement de Téhéran a adopté un ton conciliant, à rebours du prédécesseur de M. Rohani, Mahmoud Ahmadinejad.

Depuis que M. Rohani, élu avec le soutien des réformateurs, a pris ses fonctions le mois dernier, il a multiplié les déclarations apaisantes vis-à-vis de l'Occident, mais la Maison-Blanche a affirmé cette semaine que de tels discours n'étaient pas suffisants, et a demandé des actes concrets de la République islamique sur son programme nucléaire.

Dimanche, le nouveau président iranien a réaffirmé que son pays ne cherchait pas à fabriquer la bombe nucléaire. Mais il a redit le droit de l'Iran à posséder la technologie nucléaire, notamment l'enrichissement de l'uranium sur son sol, une question au centre des inquiétudes des Occidentaux.

M. Kerry «rencontrera ses homologues du P5+1», les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne, «ainsi que le ministre iranien des Affaires étrangères», a déclaré le conseiller adjoint de sécurité nationale américain, Ben Rhodes, qui, interrogé sur une entrevue entre MM. Obama et Rohani, a répété que rien n'était prévu en l'état, mais affirmé que «ce type de contact» n'était pas exclu.

«Nous sommes ouverts aux contacts avec le gouvernement iranien à plusieurs niveaux, si (les Iraniens) remplissent leurs obligations de répondre aux inquiétudes de la communauté internationale sur leur programme nucléaire», a ajouté M. Rhodes dans l'avion Air Force One transportant M. Obama entre Washington et New York.

M. Rhodes, interrogé sur une possible rencontre «fortuite» entre MM. Obama et Rohani, qui serait une première depuis la rupture des relations diplomatiques entre les États-Unis et l'Iran dans la foulée de la révolution islamique de 1979, a répondu : «Je ne pense pas que quoi que ce soit se produirait fortuitement» dans une telle relation.

Annonçant la participation de M. Zarif à la réunion dite 5+1 (États-Unis, France, Allemagne, Russie, Chine, Royaume-Uni), la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a qualifié sa rencontre avec le ministre iranien de «bonne et constructive».

«J'ai été frappée par l'énergie et la détermination du ministre», a-t-elle déclaré, soulignant cependant qu'il y avait «énormément de travail à faire».

Prêts à travailler avec l'Iran

«Nous sommes prêts à travailler avec l'Iran si le gouvernement Rohani choisissait de s'engager sérieusement» dans de telles discussions, a de son côté déclaré la porte-parole du département d'État Jennifer Psaki.

Barack Obama, arrivé lundi en milieu de journée à New York, son homologue français François Hollande et de nombreux autres chefs d'État et ministres se succéderont à partir de mardi à la tribune de la 68e Assemblée générale, dans un cadre provisoire moins impressionnant que l'hémicycle habituel, en réfection.

Parallèlement à l'Assemblée, les grandes puissances vont poursuivre en coulisses des négociations sur la crise majeure du moment : la guerre en Syrie qui a fait 110 000 morts depuis mars 2011.

Washington, Paris et Londres d'un côté et Moscou de l'autre s'opposent depuis 10 jours sur les moyens d'appliquer un plan pour éliminer les armes chimiques que Damas est accusé par les Occidentaux d'avoir utilisées contre sa population.

Dimanche le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a accusé les États-Unis d'exercer un «chantage» sur la Russie afin qu'elle accepte une résolution contraignante pour son allié syrien.

Selon plusieurs diplomates, les négociations entre Américains et Russes sont dans l'impasse.

L'adoption de cette résolution bute sur l'inscription ou non du texte sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui permet d'envisager des mesures coercitives.

«Les détails sur la manière de procéder au désarmement font grosso modo l'objet d'un accord, mais tout bute sur les moyens de le faire appliquer», a expliqué à l'AFP un diplomate à l'ONU. Dans ces conditions, a-t-il ajouté, «un vote au Conseil de sécurité cette semaine semble improbable».

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a estimé lundi possible de parvenir cette semaine à une résolution de l'ONU encadrant le désarmement chimique en Syrie, malgré les fortes objections russes.

La journée de lundi était par ailleurs consacrée à des réunions à haut niveau sur les moyens de ramener la paix en République démocratique du Congo (RDC).

Dans l'est de la RDC riche en ressources minières s'affrontent l'armée congolaise, soutenue par les Casques bleus de la Monusco (Mission de l'ONU), et les rebelles du mouvement M23. Les civils, chassés de leurs foyers et victimes d'exactions, sont les principales victimes de ces combats. Les rebelles ont reculé fin août, mais continuent de menacer Goma, la capitale provinciale.

L'émissaire de l'ONU pour les Grands Lacs Mary Robinson devait réunir dans la journée des ministres des grandes puissances et des pays de la région, qui avaient signé en février à Addis Abeba un accord-cadre censé pacifier la RDC.