Frappé ce week-end par de nouvelles sanctions américaines qui visent le coeur même de son économie, l'Iran a montré les dents lundi en testant coup sur coup trois missiles de croisière dans le détroit d'Ormuz, passage stratégique où transite chaque jour un tiers du trafic maritime pétrolier.

Téhéran avait déjà haussé le ton la semaine dernière, en disant avoir la capacité de fermer complètement le détroit si les États-Unis et l'Europe imposaient des sanctions contre ses exportations pétrolières. De hauts responsables militaires iraniens ont répété à plus d'une reprise que là n'est pas leur intention.

Lundi, le commandant de la marine iranienne, l'amiral Habibollah Sayyari, a tout de même tenu à montrer à «tout le monde» la force de frappe de ses troupes en mer.

«Le détroit d'Ormuz est complètement sous notre contrôle. Nous ne permettons à aucun ennemi de menacer nos intérêts», a-t-il déclaré au terme de 10 jours d'exercices navals, tenus non loin des bâtiments de guerre américains qui croisent dans la région.

Les médias officiels de la République islamique ont rapporté que le nouveau missile sol-mer Ghader, de fabrication locale et d'une portée de 200 km, avait atteint et détruit sa cible en mer. Le missile serait doté d'un tout nouveau système intelligent antirepérage.

Toujours selon les médias iraniens, les missiles Nasr, d'une portée de 35 kilomètres, et Nour, dérivé d'un modèle chinois, ont eux aussi été lancés avec succès au cours de la journée. Les images des tests ont fait le tour du monde.

Ottawa préoccupé

Au Canada, le bureau du ministre des Affaires étrangères John Baird s'est montré préoccupé par cette démonstration de force.

«Le Canada est troublé par les informations faisant état des essais de missiles à longue portée de l'Iran», a déclaré Joseph Lavoie, attaché de presse du ministre Baird, dans un courriel à La Presse.

«Comme l'ont déjà déclaré le ministre Baird et le premier ministre Harper, le régime actuel de Téhéran représente la menace la plus grave pour la paix et la sécurité internationales», a ajouté le porte-parole. Le gouvernement canadien continue de travailler avec ses alliés pour «empêcher les dirigeants iraniens de porter atteinte encore davantage à la paix, à la prospérité et à la stabilité», a-t-il précisé.

Dimanche, Téhéran avait déjà lancé un nouveau missile antiaérien, en plus d'annoncer en grande pompe que des scientifiques iraniens ont fabriqué et testé avec succès des barres de combustibles destinées à ses installations nucléaires.

La veille, le président américain Barack Obama avait promulgué une loi renforçant plus que jamais les sanctions contre le secteur financier de l'Iran, notamment la Banque centrale, dans le but de contraindre le régime islamiste à abandonner son programme nucléaire.

Selon Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke et spécialiste du Moyen-Orient, la démonstration de force des militaires iraniens vise à donner du poids au gouvernement dans ses négociations avec les États-Unis et l'Europe.

«C'est plutôt une manoeuvre politico-militaire pour négocier, car les Iraniens sentent qu'ils ont le couteau sur la gorge. Les sanctions deviennent très sérieuses, cette fois, avec cette loi promulguée par l'administration Obama, qui pourrait toucher le coeur de l'économie iranienne», observe-t-il.

Menace utile

Selon lui, l'Iran a un «pouvoir de nuisance» dans la région, mais ne pourrait se permettre de mener une guerre de front avec les puissances occidentales. La République islamique ne peut pas non plus se permettre de bloquer le détroit d'Ormuz comme elle menace de le faire, dit-il.

«Les Iraniens ne peuvent tolérer la suspension du flux de pétrole, ils en seront les premiers perdants. Mais à court terme, la menace peut être utile pour eux, car elle pourrait hausser le coût du baril de pétrole», explique M. Aoun.

La menace de la fermeture du détroit la semaine dernière avait fait grimper temporairement le prix du baril à 101,77$, son plus haut point depuis trois semaines. Selon des estimations de l'agence Bloomberg, l'Iran a produit 3,56 millions de barils de pétrole pour le seul mois de novembre cette année.

Sami Aoun souligne que les manoeuvres de l'Iran surviennent alors que l'influence du régime dans la région est mise à mal par les difficultés de son allié syrien et la montée en puissance des Frères musulmans dans plusieurs pays voisins. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, est aussi engagé dans une virulente lutte de pouvoir avec les dirigeants religieux.

Avec AFP, AP, Bloomberg