Un brutal plongeon du rial iranien face au dollar a provoqué mercredi l'émoi des médias et du Parlement, alors que l'Iran subit de plus en plus visiblement l'effet des sanctions économiques occidentales qui le frappent depuis 18 mois.

Le dollar américain, monnaie de référence pour la plupart des Iraniens, a franchi mardi pour la première fois la barre de 15 000 rials (IRR) sur le marché libre après avoir pris près de 15% depuis samedi, creusant l'écart avec son taux officiel fixé à 11 000 rials par la Banque centrale.

Cette chute, qui se poursuivait mercredi, a suscité de vives critiques de nombreux médias, y compris officiels, contre la Banque centrale (BCI) qui affirme depuis des mois, sans y parvenir, vouloir maintenir le cours du billet vert au marché libre proche du taux officiel.

La télévision d'État a estimé que le gouverneur de la BCI, Mahmoud Bahmani, avait «échoué», et le Parlement l'a convoqué d'urgence mercredi, avec le ministre de l'Économie Shamseddin Hosseini, pour une séance d'explications à huis clos.

Le président Mahmoud Ahmadinejad a minimisé le problème en le mettant sur le compte de «spéculateurs». Il a affirmé dans un discours que l'Iran «ne fait face à aucun problème particulier» et que «l'économie est stable», et a demandé à la population de «continuer à vivre normalement».

Ce trou d'air de la monnaie iranienne, qui n'a cessé de perdre de la valeur depuis des années, est intervenu alors que l'Iran est soumis depuis 18 mois à un blocus commercial et financier sévère des Occidentaux pour sa politique nucléaire controversée, et subit une forte inflation de 20%.

La chute du rial a été accélérée par des informations mardi de certains médias iraniens -démenties par les autorités- sur un arrêt des importations en provenance des Émirats arabes unis, plaque tournante de la réexportation vers l'Iran de marchandises du monde entier, du fait des sanctions occidentales.

Mais elle illustre aussi l'impact croissant des sanctions qui ont considérablement compliqué les transactions bancaires avec l'Iran, renchérissant les importations et réduisant les ressources en devises de Téhéran selon de nombreux experts économiques iraniens et étrangers à Téhéran.

Les recettes pétrolières du deuxième producteur de l'OPEP «n'ont jamais été aussi importantes et devraient dépasser les 100 milliards de dollars en 2011, mais le pays a des difficultés pour les rapatrier», relève un responsable pétrolier occidental.

Du coup, malgré des réserves officiellement évaluées à une centaine de milliards de dollars, la Banque centrale a multiplié les restrictions à la vente de devises et semble hésiter à intervenir aussi massivement qu'auparavant pour soutenir sa monnaie, constatent ces experts.

Outre les sanctions, l'inflation a été alimentée depuis un an par la suppression des subventions sur l'énergie, qui a quadruplé les prix de l'essence, du gaz ou de l'électricité.

Le gouvernement y a substitué, pour éviter une explosion sociale, le versement d'une allocation mensuelle directe de 40 $ US à chaque Iranien. Mais ce système, qui coûte à l'État 30 milliards de dollars par an, a lui aussi contribué à l'inflation et a creusé le déficit budgétaire d'une dizaine de milliards de dollars selon une estimation parlementaire.

Face à ces difficultés de trésorerie, le gouvernement a fait fonctionner la planche à billets, augmentant la masse monétaire de 20% depuis l'été, selon les médias.

Il a aussi ponctionné les budgets de plusieurs ministères ainsi que la cagnotte des investissements pétroliers, selon le Parlement qui dénonce depuis des mois la politique gouvernementale.

Dans ce contexte, la chute du rial a aussi des effets positifs pour le gouvernement, qui peut jouer sur les taux de change pour réduire son déficit, estiment de nombreux experts iraniens et étrangers.