La mort de Nelson Mandela a été accueillie avec tristesse à Toronto, une ville que le leader sud-africain a visitée à plusieurs reprises. Nulle part ailleurs dans la métropole canadienne n'a-t-on été éprouvé davantage par son décès qu'à l'école primaire qui porte son nom, dans le modeste quartier de Regent Park. Portrait d'un établissement où l'oeuvre de « Madiba » est une inspiration tous les jours.

C'est la pause du midi et les cris des gamins résonnent près du terrain de gazon synthétique derrière l'immeuble. Au même moment, devant, des adultes se recueillent en silence. L'entrée principale de la Nelson Mandela Park Public School est un lieu de pèlerinage en ce vendredi gris, signe de l'attachement profond des Torontois pour le leader mort jeudi.

Le drapeau canadien est en berne. Des messages d'espoir sont écrits à la craie dans l'escalier gris qui mène au bâtiment de brique rouge. Il y a des chandelles, des fleurs et, au milieu de l'installation improvisée, une photo noir et blanc de Nelson Mandela.

« L'éducation est l'arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde », peut-on y lire.

Au pied des marches, Priyanka Juta pleure. Cette jeune femme, née après la chute de l'apartheid, a immigré de l'Afrique du Sud il y a 10 ans. Bien qu'elle n'ait jamais été élève ici, elle cherchait un lieu où elle pouvait honorer son idole.

« Je suis chanceuse, confie-t-elle. Je suis née libre grâce à lui. »

En 1998, lorsque Mandela visite Toronto, des enfants de toute la ville lui réservent un triomphe au Skydome. Dans la foule, on compte 300 élèves de l'école Park, dans Regent Park. Ce quartier modeste abrite le plus vieux et le plus gros complexe de HLM de la métropole canadienne.

On trouve plusieurs immigrants africains dans la petite délégation, et ils entonnent l'hymne national de l'Afrique du Sud en swahili. Mandela est impressionné. Quelques années plus tard, lorsqu'il exprime le désir de donner son nom à une école canadienne, c'est celle-ci qui est choisie.

« C'est ce qu'il souhaitait parce qu'il était reconnaissant du rôle que le Canada a joué dans la lutte contre l'apartheid », relate Jason Kandankery, aujourd'hui directeur de l'établissement.

Une visite mémorable

Il s'y rendra en personne, en 2001, pour rebaptiser l'immeuble centenaire. Ainsworth Morgan est alors un jeune professeur. Aujourd'hui directeur adjoint de l'école, il se souvient avec émotion de cette cérémonie.

« C'est rare qu'on soit bouche bée devant quelqu'un, relate-t-il. Le souvenir que j'en garde, c'est celui d'un homme qui a surmonté des défis incroyables alors que tout le vouait à l'échec. »

Depuis, les professeurs se font un devoir de transmettre à leurs élèves l'esprit qui animait le leader antiapartheid.

« Nous voulons donner aux enfants cette résilience, cette capacité à penser aux autres et à travailler avec la communauté », dit Lucie Lafontaine, une Sherbrookoise qui enseigne le français ici depuis plus de 10 ans.

Coïncidence solennelle

Jusqu'à son tout dernier souffle, Mandela aura marqué cette petite école. Depuis quelques semaines, la direction préparait une rencontre communautaire pour visionner le film biographique Long Walk to Freedom, jeudi soir. Coïncidence étonnante, elle avait prévu l'événement le jour même où il allait mourir.

La soirée hommage s'est transformée en témoignage d'amour de toute la communauté, relate le directeur.

« Ç'a été un moment très solennel, mais en même temps une grande célébration, relate Jason Kandankery. C'était incroyable de voir ce film avec tous ces gens, d'anciens étudiants, des professeurs et des élèves, qui partagent cette connexion avec M. Mandela. C'était très puissant. »