De sa cellule de Robben Island à son dernier combat contre le temps, le visage de Nelson Mandela couvrait vendredi la une des journaux du monde entier avec des hommages émus relayés en continu par les radios et les chaînes de télévision.

Les rédactions s'attendaient de longue date à l'annonce du décès du premier président noir de l'Afrique du Sud et tenaient prêts leurs dossiers retraçant son irrépressible combat contre l'apartheid.

Dans son pays, la plupart des journaux ont tiré en noir et blanc.

«Hamba kahle Madiba» (Va en paix Madiba), de nombreux titres s'adressaient ainsi dans sa langue, le xhosa, et de son nom de clan à l'ancien président mort jeudi soir à 95 ans.

Le quotidien en afrikaans, Die Burger, écrit simplement «Il est parti», et le Sowetan: «Goodbye Tata» (au revoir papa).

«Le monde pleure» et «l'Afrique du Sud est en deuil», privée d'un «héros de l'humanité», écrivait le quotidien national The Star, reflètant l'ampleur des réactions internationales et l'hommage unanime.

Poing levé

Comme le symbole d'une vie sacrifiée pour un idéal de justice et de liberté, le New Yorker a choisi un portrait de jeunesse de Mandela portant encore la moustache tandis que Time Magazine a publié un cliché plus récent d'un «Madiba» grisonnant: mais sur les deux photos, il a le poing levé au ciel.

«L'accord entre son caractère et les événements ont fait de Mandela une personnalité singulièrement hors norme», écrivait le quotidien britannique The Guardian.

En France, le journal sportif l'Equipe a annoncé la mort de Mandela avec un bandeau noir en «une».

«Passionné par le sport, qu'il utilisa comme élément d'unité de l'Afrique du Sud, Nelson Mandela (...) était un exemple pour de nombreux sportifs du monde entier», soulignait le quotidien.

Dans un entretien au Parisien, l'écologiste Nicolas Hulot a confié avoir appelé son fils Nelson «en hommage à Mandela».

Pour cause probablement de bouclage, le Figaro ne consacrait que deux pages au décès de Mandela tandis que la première édition de Libération ne le mentionnait pas du tout.

Poing levé encore, en noir et blanc, sur le site internet du Monde, avec ce titre choc: «Nelson Mandela est mort».

«Héros de la liberté», titrait l'édition en ligne de l'influent magazine allemand «Der Spiegel». «Avec Nelson Mandela, le monde a perdu un des plus grands combattants contre l'oppression, un des politiciens de ce siècle qui pour sa résistance contre l'apartheid en Afrique du Sud a passé plusieurs dizaines d'années en prison».

«Nelson Mandela décédé (1918-2013)» titrait de son côté très sobrement le quotidien populaire Bild pourtant habitué aux manchettes accrocheuses.

«L'homme le plus pacifique du monde est mort», poursuivait le journal, ajoutant: «le monde est en deuil avec le héros national d'Afrique du Sud».

Un géant de notre temps

En Espagne, El Pais a salué «l'homme qui a vaincu le racisme» et le Corriere della Serra, en Italie, un «héros qui a mis l'apartheid à terre».

El Pais, qui consacre 13 pages à l'événement, a ouvert ses colonnes à l'écrivain argentino-chilien Ariel Dorfman qui se souvient de «l'homme qui cultivait un jardin en prison».

«Il aimait planter et cueillir sous la pluie et sous le soleil, en sachant que de la même façon qu'il exerçait un contrôle minimal sur une petite parcelle de terre, il pouvait aussi contrôler sa dignité, ses souvenirs et la fidélité à ses camarades».

La disparition de Mandela a largement alimenté les réseaux sociaux, de Twitter à Facebook où les internautes partageaient dans l'ensemble la tristesse d'avoir perdu un modèle de droiture et d'obstination.

Mandela «est une inspiration quant à ce qui peut être accompli pour combattre l'oppression», estimait Yuen Chan, professeur à l'école de journalisme de l'université chinoise de Hong Kong.

Mandela a reçu le prix Nobel de la paix à Oslo en 1993. Le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt a évoqué sur son compte Twitter «un géant de notre temps».

La fondation Nobel, qui remet mardi les prix 2013, a remis sur son site internet (www.nobel.org) un extrait de la cérémonie de réception de Mandela et de son co-lauréat, le dernier président de l'apartheid Frederik de Klerk, à Oslo le 10 décembre 1993.

Voix discordante dans ce concert de louanges, le quotidien suédois Dagens Nyheter (libéral) a publié un édito en demi-teinte en regrettant que Mandela ne se soit pas davantage exprimé au sujet des «violences» au Zimbabwe entre populations noires et fermiers blancs.