Au printemps 2011, Shakil Afridi a aidé la CIA à confirmer qu'Oussama ben Laden se cachait bel et bien dans un domaine d'Abottabad, au Pakistan. Quelques mois plus tard, il a été arrêté par les services secrets pakistanais. À la fin mai, il a été condamné à 33 ans de prison.

Depuis, le gouvernement américain fait des pieds et des mains obtenir la libération du Dr Afridi. L'administration Obama a été accusée sur le réseau Fox de laisser tomber un allié crucial. Et le médecin pakistanais a été placé sous haute protection dans la prison de Peshawar, à cause de menaces d'assassinat.

L'affaire comporte plusieurs zones d'ombres. Les motivations et le rôle du Dr Afridi sont flous. Et le jugement lui-même n'a été vu que par un seul journaliste, du quotidien pakistanais Dawn.

«Je partage l'analyse des gens qui accusent l'administration de ne pas en faire suffisamment pour protéger ses sources d'information», explique Houchang Hassan-Yari, politologue au collège militaire de Kingston, en entrevue depuis une conférence à Bogota. «On l'a vu aussi récemment au Yémen. L'administration américaine a révélé le nom de la personne qui était la source d'une alerte concernant un avion de ligne américain. Les officiels de la Maison-Blanche ne sont pas suffisamment conscients du problème qu'ils causent. Ça pourrait rendre plus difficile le recrutement de sources dans les régions où les Américains n'ont pas une présence forte en terme de renseignement et dépendent donc de ces informateurs.»

L'identité du Dr Afridi a été révélée en juillet dernier par le quotidien britannique The Guardian. Le problème, c'est que le secrétaire américain de la Défense, Leon Panetta, a immédiatement confirmé son rôle dans la capture d'Oussama ben Laden - M. Panetta dirigeait la CIA au moment de l'exécution de ce dernier.

La CIA a recruté le médecin pakistanais pour qu'il aille prendre des échantillons génétiques des enfants de la ferme d'Abbottabod, sous le couvert d'un faux programme de vaccination, en mars et avril 2011. S'ils se révélaient les enfants de ben Laden, cela signifiait que le chef d'Al-Qaïda s'y trouvait bel et bien. Les médias ont rapporté que les échantillons génétiques n'ont rien donné, mais que l'opération a tout de même fourni des informations à la CIA. Le Dr Afridi est dans la fin de la quarantaine, est marié avec une Américaine et était chirurgien en chef d'un hôpital de la région à ce moment.

Quand son rôle a été révélé, des groupes humanitaires ont protesté contre l'utilisation d'un faux programme de vaccination parce que cela pourrait alimenter l'idée que les ONG travaillent pour les gouvernements occidentaux, entre autres théories de conspiration. Une commission d'enquête pakistanaise sur l'assassinat de ben Laden a recommandé des accusations de trahison pour le Dr Afridi en février. Mais selon le quotidien Dawn, le jugement de la fin mai concerne des soins qu'il aurait prodigués à des membres d'un groupe islamiste armé pakistanais, Lashkar-e-Islam - qui a immédiatement nié tout lien avec le Dr Afridi. Des médias pakistanais ont avancé que cela pourrait être une tactique visant à miner les efforts américains pour le faire libérer, en présentant sa condamnation comme une affaire interne.