Barack Obama s'est recueilli jeudi sur le lieu des attentats du 11-Septembre à New York et a prévenu que les États-Unis n'oublient «jamais», après l'élimination d'Oussama ben Laden au Pakistan, pays qui a menacé de remettre en cause sa coopération militaire avec Washington.

Avant de se rendre en début d'après-midi à «Ground Zero», le site du World Trade Center, le président américain a effectué des visites impromptues successivement dans une caserne de pompiers puis un commissariat de police de Manhattan, où il a rendu hommage aux secours.

«Ce qui s'est passé dimanche (au Pakistan), grâce au courage de nos militaires et au travail extraordinaire de nos services de renseignement, a envoyé un message au monde entier, mais aussi chez nous: quand nous disons que nous n'oublierons jamais, nous le pensons», a affirmé M. Obama face aux pompiers.

À «Ground Zero», où les travaux de reconstruction du quartier avaient été suspendus, M. Obama a déposé une simple couronne de fleurs aux couleurs du drapeau américain, posée sur un tréteau en bois, avant de s'incliner solennellement et d'observer quelques instants de silence.

Il s'est ensuite entretenu en privé avec une soixantaine de proches de victimes de ces attentats qui avaient fait près de 3000 morts au total, à New York et Washington.

Le vice-président Joe Biden a de son côté participé à une cérémonie au Pentagone, au sud de la capitale fédérale, sur lequel un des quatre avions détournés par Al-Qaïda s'était écrasé.

L'idée de ces cérémonies, selon la Maison-Blanche, n'était pas de «parader», mais de rendre hommage aux victimes des attentats qui ont donné le coup d'envoi de la guerre de Washington contre Al-Qaïda, et dont le dernier épisode en date -l'élimination de ben Laden- constitue un succès retentissant pour les États-Unis.

La mort du chef d'Al-Qaïda, survenue lors d'une opération commando menée dans la ville-garnison d'Abbottabad au Pakistan par 79 hommes des forces spéciales américaines, affaiblit en revanche Islamabad, soupçonné d'avoir fermé les yeux sur cette cavale.

Sommé de s'expliquer sur la présence depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, de ben Laden près d'une école militaire, le Pakistan a rejeté de nouveau jeudi ces soupçons et prévenu Washington que tout nouveau raid aurait des conséquences.

Le chef d'état-major Ashfaq Parvez Kayani «a dit clairement que toute nouvelle action de ce type, violant la souveraineté du Pakistan, entraînerait une révision du niveau de la coopération militaire et dans le domaine du renseignement avec les États-Unis», selon un communiqué de l'état-major.

Le général Kayani a également donné des instructions à tous les chefs de corps de réduire le nombre d'instructeurs militaires américains présents au Pakistan. Le Pentagone a affirmé jeudi ne pas en avoir été informé.

La CIA avait décidé de faire cavalier seul dans le dernier acte de la traque de ben Laden par crainte que les Pakistanais n'alertent le chef d'Al-Qaïda.

L'armée pakistanaise a reconnu jeudi «ses propres insuffisances dans le renseignement sur la présence d'Oussama ben Laden au Pakistan», tout en soulignant que «les succès de l'Inter Services Intelligence (ISI, services secrets) contre Al-Qaïda et ses alliés terroristes», étaient «sans comparaison».

«C'est facile de dire que l'ISI ou des éléments au sein du gouvernement sont de mèche avec Al-Qaïda», a déclaré Salman Bashir, le secrétaire aux Affaires étrangères. «C'est une hypothèse fausse, (...) et c'est une claque au visage des Pakistanais».

Devant la crispation des relations entre les États-Unis et le Pakistan, l'influent sénateur démocrate John Kerry, proche de M. Obama, a tenté de calmer le jeu en indiquant qu'Islamabad avait aidé les Américains «à poursuivre (leurs) objectifs en matière de sécurité».

Les États-Unis s'efforçaient par ailleurs de désamorcer une polémique sur la mort de ben Laden après avoir révélé mardi que le chef d'Al-Qaïda n'était pas armé quand il a été tué. Le ministre de la Justice Eric Holder a affirmé mercredi que l'élimination de ben Laden était «complètement légale et cohérente avec nos lois, nos valeurs».

Mais la haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a demandé jeudi la «divulgation complète des faits précis» sur les circonstances du raid, insistant sur le fait que toute action antiterroriste devait être entreprise «en conformité avec le droit international».

«Nous sommes toujours en train de réunir les informations concernant cette opération», a souligné jeudi le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney. Mais le commando a «parfaitement exécuté la mission et rempli un objectif qui échappait aux États unis depuis le 11-Septembre».

Le chef en exil du mouvement palestinien Hamas, Khaled Mechaal, a qualifié «d'atroce» la façon dont ben Laden a été tué et son corps immergé, dans une déclaration à l'AFP au Caire jeudi.

«Les Arabes et les musulmans sont des êtres humains et l'Occident doit les traiter avec dignité, qu'ils soient des partisans ou des opposants à Oussama ben Laden», a dit M. Mechaal.

«Quels que soient les actes attribués à ben Laden, l'assassinat d'un être humain désarmé et entouré de sa famille constitue un acte odieux», a affirmé pour sa part l'ex-président cubain Fidel Castro.

Les critiques, peu surprenantes de la part d'adversaires déclarés des États-Unis comme le Hamas et Cuba, sont venues également du chef de l'Église anglicane, l'archevêque de Canterbury Rowan Williams.

«Je pense que le meurtre d'un homme non armé va toujours mettre très mal à l'aise parce qu'il ne semble pas que la justice ait été rendue», a-t-il déclaré.

Craignant des représailles d'Al-Qaïda, la communauté internationale restait sur le qui-vive.

«N'oublions pas que la bataille pour arrêter Al-Qaïda et ses alliés ne s'arrête pas avec une mort», a ainsi souligné à Rome la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton.