Barack Obama avait à peine annoncé la mort d'Oussama ben Laden, dimanche soir, que déjà Liz Cheney, fille de Dick Cheney, ancien faucon de l'administration de George W. Bush, se lançait sur son clavier.

Sur le site Keep America Safe, deux de ses acolytes, Debra Burlingame et Bill Kristol, et elle ont publié un communiqué de presse dans lequel ils louent le courage du commando qui a débusqué l'ennemi no 1 des États-Unis dans ses quartiers d'Abbottabad. Du même souffle, ils tentent aussi de réhabiliter les agents des services secrets qui ont mis en pratique des techniques d'interrogatoire dégradantes, interdites par la Cour suprême américaine et dénoncées par Barack Obama après son arrivée au pouvoir en 2009.

«Nous sommes reconnaissants aux hommes et aux femmes des services secrets américains qui, lors de l'interrogatoire de détenus de haute valeur, ont récolté des renseignements qui nous ont menés à ben Laden», peut-on lire dans le communiqué de l'organisation de droite.

Sur la foi d'un article du New York Times dans lequel on décrit l'enquête qui a mené jusqu'à ben Laden, plusieurs néo-conservateurs affirment que les services secrets ont soumis deux dirigeants d'Al-Qaïda, Khaled Cheikh Mohamed et Abou Faraj Al-Libbi, à la simulation de noyade et à d'autres méthodes de torture pour obtenir le nom du courrier d'Oussama ben Laden. Ils n'ont ensuite eu qu'à suivre le messager pour localiser le grand patron d'Al-Qaïda.

Dick Cheney lui-même partage l'avis de sa fille. «On peut présumer que le programme d'interrogatoire "rehaussé" que nous avons mis en place a produit certains des résultats qui ont mené à la capture de ben Laden», a claironné l'ancien vice-président républicain dans une entrevue à Fox.

Les démocrates nient

La réplique démocrate ne s'est pas fait attendre. Hier, la présidente du comité du Sénat sur les renseignements a nié la version des néo-conservateurs. «Selon ce que nous savons, aucun des renseignements (qui ont mené à ben Laden) ne sont le résultat d'interrogatoires brutaux», a affirmé Dianne Feinstein. Le principal conseiller de Barack Obama en matière de lutte contre le terrorisme, John Brennan, a soutenu la même chose.

Malgré ces mises au point, plusieurs ténors de la droite et maintes sources anonymes de la CIA estiment que l'administration Obama devrait revoir sa position sur l'utilisation de la torture, une proposition qui soulève l'ire des plus grandes organisations de défense des droits de l'homme.

«Tout ça ressemble à une tentative de justification de la torture a posteriori, a tonné hier Anne Sainte-Marie, porte-parole d'Amnistie internationale. Pourtant, il n'y a pas de débat possible. La jurisprudence est claire. La torture est illégale en toutes circonstances et la fin ne justifie pas les moyens.»

«Nous estimons que les techniques d'interrogatoire "rehaussées" constituent de la torture et sont illégales, immorales et injustes. De plus, elles ne donnent pas les résultats escomptés», a ajouté hier Laura Pitter, de Human Rights Watch, en notant que Donald Rumsfeld lui-même, faucon parmi les faucons de l'administration Bush, a admis lors d'une entrevue que la torture n'avait pas scellé le sort de ben Laden.