Le 29 avril prochain, des drapeaux (Union Jack) flotteront aux quatre coins de la capitale. Les Britanniques pourront s'abandonner à un rare élan patriotique. Mais qu'en est-il de leur fibre royaliste? Elle a été mise à l'épreuve depuis la mort de Diana en 1997. Là où il y avait déférence, il y a maintenant ambivalence, nous explique notre journaliste.

Le regard bleu de Ros Sales devient rêveur au souvenir du jubilé d'argent de la reine Élisabeth. C'était en 1977. La blonde n'avait que 14 ans. «Tous les gens avaient l'Union Jack accroché à leur voiture, se souvient-elle. Tous sauf mes parents.»

Pour l'adolescente, il n'était pas question de manquer aux célébrations. «J'ai découpé mon drapeau dans un sac d'épicerie aux couleurs de l'Union Jack. C'était un autre monde à l'époque. Les gens avaient une déférence naturelle envers la royauté. Aujourd'hui, je suis toujours la seule royaliste dans la pièce», dit Ros Sales, éditrice de guides de voyage.

Au mariage de Diana Spencer et du prince Charles en 1981, environ 10 millions de Britanniques avaient trinqué dans des fêtes de rue, une tradition lors de grands événements royaux.

Cette année, environ 2 millions de personnes célébreront avec des petits gâteaux, du thé et de la bière. Les arrondissements ont seulement reçu 4000 demandes pour des fêtes de rue, dont celle du premier ministre David Cameron et de sa femme Samantha.

«J'ai du mal à trouver des amis qui veulent regarder le mariage avec moi, se désole Ros. Ce n'est plus cool d'aimer la famille royale, surtout dans la grande région de Londres.»

Mais demandez à des experts de résumer la psyché de la population et ils se perdent en conjectures.

«Oui, ce mariage déclenche moins les passions qu'en 1981, dit Paul Kellner, président de la firme de sondage YouGov. Mais ça ne veut pas dire pour autant que nous sommes plus républicains qu'avant.»

Un sondage réalisé en novembre 2010 démontre le même paradoxe: 59% des répondants se disaient indifférents au mariage du prince William. Mais 76% d'entre eux étaient fiers que la Grande-Bretagne soit une monarchie.

Comme le faisait remarquer Nicola Clase, ambassadrice du royaume de Suède à Londres, à un récent débat au Commonwealth Club: «Une monarchie renforce l'identité d'un peuple.»

L'effet Diana

Si c'est le cas, l'identité britannique d'après-guerre ne fut jamais aussi forte que du vivant de la princesse Diana. «Mon Dieu, à l'époque, c'était autre chose, se souvient Francesca Pagnacco, 43 ans. Pas une journée ne passait sans que sa photo ne fasse la une des journaux.»

L'architecte web, aujourd'hui «désillusionnée» par la famille royale, admirait la princesse de Galles pour son anticonformisme. «Elle s'habillait différemment et faisait les choses à sa façon, dit Francesca Pagnacco, établie au pays depuis 1978. Par exemple, elle a brisé le protocole royal en amenant William en Australie alors qu'il était encore bébé.»

La mort de Diana fut un chapitre sombre dans l'histoire des Windsor. L'apparente froideur de la reine Élisabeth - son retrait dans la campagne écossaise loin des Londoniens éplorés, son refus de mettre en berne le drapeau du palais de Buckingham - fut très mal reçue par ses sujets.

Beaucoup d'eau a coulé sous le Tower Bridge depuis. À l'approche de son jubilé de diamant en juin 2012, pour marquer ses 60 ans sur le trône, la reine jouit d'une cote de popularité de 80%.

«C'est ma préférée de la famille, dit la monarchiste Ros Sales. Elle est là depuis si longtemps!»

Bouffée d'air frais

Les républicains, qui représentent entre 20% et 30% de la population, espèrent que la monarchie sera enterrée en même temps que la reine, aujourd'hui âgée de 85 ans. L'impopularité de l'héritier du trône, le prince Charles, apporte de l'eau à leur moulin.

Mais Catherine Middleton, descendante d'un mineur, pourrait bien sauver les Windsor. Symbole de la mobilité sociale post-edwardienne, grâce à ses parents entrepreneurs qui ont fait fortune, la jeune femme apporte une bouffée d'air frais à la famille royale et ses manières figées.

«Pour le meilleur ou pour le pire, nous vivons maintenant dans une méritocratie où le respect doit être acquis, non hérité», expliquait l'historien Dominic Sandbrook dans le Daily Mail, en novembre.

Même s'ils préféreraient ne pas l'admettre, 56% des Britanniques suivront la cérémonie à la télévision le 29 avril.

C'est le cas de Francesca Pagnacco qui, malgré son désabusement, ira à une réception chez des amis. «Ce sera un peu comme regarder l'Angleterre jouer en finale de la Coupe du monde de soccer», dit-elle.

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Le 29 avril prochain

2 gâteaux de mariage: (un gâteau aux fruits et un gâteau au chocolat à la demande du prince William)

850 employés de la BBC affectés à la couverture du mariage.

1000 officiers de l'armée britannique qui longeront la route du carrosse des nouveaux mariés, de l'abbaye de Westminster au palais de Buckingham.

1900 invités à l'abbaye de Westminster: parmi lesquels 50 chefs d'État et 27 collègues du prince William.

5000 policiers déployés pour la sécurité du mariage.

32 millions de dollars: coût de l'opération policière

620$: prix de la robe bleue que portait Catherine Middleton à l'annonce des fiançailles.

2400$: coût de la suite de l'hôtel Goring où la fiancée passera sa dernière nuit avant la cérémonie.