Elisabeth II a entamé mardi une visite historique en Irlande placée sous le signe de la réconciliation, la première d'un souverain britannique depuis l'indépendance de 1922, mais ternie par des alertes à la bombe imputées à des dissidents républicains nord-irlandais.

Vêtue d'un manteau et d'un chapeau verts, couleur de l'Irlande, La souveraine a posé le pied sur l'ancienne colonie britannique peu avant 12h00 locales.

La souveraine, âgée de 85 ans, et son époux le prince Philip, 89 ans, ont rejoint la résidence de la présidente irlandaise Mary McAleese, dans l'ouest de Dublin, sans altération de son programme malgé les alertes à la bombe qui se multipliaient au même moment.

Quelques heures seulement avant l'arrivée de la reine, un engin explosif a été neutralisé vers 02h00 (01h00 GMT) dans un car à Maynooth, dans la grande banlieue de Dublin. L'engin était «de fabrication artisanale mais en état de fonctionnement», selon les autorités. Au moins huit autres alertes à la bombe ont été déclenchées dans la matinée, mais elles se sont révélées fausses.

Lundi, une vaste opération de sécurité avait eu lieu dans le centre de Londres cette fois, après un appel codé prévenant d'un engin explosif et imputé aux dissidents républicains.

La visite de la reine est accueillie favorablement par 81% des Irlandais, selon un récent sondage.

Mais des dissidents catholiques républicains, qui continuent à lutter par les armes contre l'autorité britannique sur l'Ulster, ont averti que la reine n'était «pas la bienvenue», l'accusant d'être coupable de «crimes de guerre».

Une centaine de personnes ont manifesté leur opposition mardi midi à Dublin. Les protestataires, certains portant des banderoles du parti nationaliste Sinn Féin, ont brûlé un drapeau britannique.

Saluée comme un événement qui fera date, la visite d'Elisabeth II doit confirmer la normalisation des relations entre les deux anciens ennemis, en tirant un trait sur des siècles de conflit et une décolonisation très douloureuse.

Elle a été rendue possible par la signature de la paix en 1998 en Irlande du Nord, province britannique où trente ans de «Troubles» ont fait 3.500 morts environ.

La crainte d'un attentat a imposé un dispositif de sécurité d'ampleur inédite sur l'île, où huit mille policiers et deux mille militaires ont été mobilisés.

«On ne fait pas marche arrière... Ce genre de choses arrive quand des personnalités mondiales visitent n'importe quel pays», a déclaré à propos des alertes à la bombe le Premier ministre irlandais, Enda Kenny, à la radio-télévision nationale RTE. «Il s'agit d'une visite historique et symbolique qui tire un trait sur le passé et envoie un message pour l'avenir».

Le déplacement «va marquer le début de quelque chose d'important», a renchéri le Premier ministre britannique, David Cameron, également attendu à Dublin, évoquant sur RTE «le sens historique profond» du séjour royal.

Dans un geste fort de réconciliation, la souveraine a déposé mardi après-midi une gerbe au «Garden of Remembrance» (Jardin du souvenir), érigé en l'honneur des victimes de la guerre d'indépendance, avant de visiter la plus vieille université d'Irlande, Trinity College.

Mercredi, dans une autre geste symbolique, elle se rendra au stade Croke Park, à Dublin, où la police britannique avait tué 14 personnes en 1920. Mais, dans un souci d'équilibre, Elisabeth II déposera également mercredi après-midi une gerbe au mémorial de la première guerre mondiale, à la mémoire des Irlandais morts sous l'uniforme britannique.