Des dauphins morts s'échouent toujours avec une effarante régularité sur le rivage, le corail étouffe sous une couche de pétrole: deux ans après la pire marée noire de l'histoire américaine, le golfe du Mexique est loin d'avoir pansé ses plaies.

Le 20 avril 2010, une déflagration secoue la plateforme Deepwater Horizon, exploitée par BP. Onze employés sont tués. Du pétrole commence à s'écouler dans la mer.

Il faudra 87 jours au pétrolier britannique pour venir à bout de la fuite du puits Macondo, par 1500 mètres de profondeur. En près de trois mois, 780 millions de litres de brut se seront écoulés dans le golfe du Mexique.

La catastrophe écologique ne fait plus depuis longtemps la une de la presse américaine, pourtant, les pêcheurs et les habitants du pourtour du golfe continuent à retrouver des crevettes sans yeux ou des crabes criblés de trous. Des analyses montrent que le killi («killifish»), un petit poisson à la base de l'alimentation de nombreuses espèces, est infesté de produits chimiques.

Pour tenter d'empêcher le pétrole d'atteindre les côtes, BP avait aspergé les nappes de brut de dispersants. Ces produits, couplés à des vents et des courants favorables et au travail des équipes de nettoyage, ont permis d'éviter la catastrophe écologique redoutée dans les marais de Louisiane, un écosystème très fragile. Mais, à en croire les associations écologistes, les dispersants rendent le travail de nettoyage du pétrole très difficile.

Des effets sur «plusieurs générations»

De plus «du pétrole se trouve toujours dans l'eau», assure Wilma Subra, chimiste et militante qui analyse régulièrement la faune et la flore marines du golfe du Mexique. «Le pétrole est toujours présent dans les marais, dans les estuaires et sur les plages. Les gens continuent à y être exposés».

À l'en croire, il est encore bien trop tôt pour prévoir les impacts à long terme de la catastrophe sur l'écosystème. Ses effets pourraient se faire sentir sur «plusieurs générations».

Car la marée noire a aussi engendré une tragédie humaine.

Mercredi, BP a dit avoir conclu un accord à l'amiable de 7,8 milliards de dollars pour «la majorité des pertes économiques de particuliers ainsi que les dommages sanitaires «. Mais l'accord ne comprend pas les plaintes déposées par les actionnaires et entreprises touchés par le moratoire sur les forages dans le golfe du Mexique. La facture finale de l'accident est donc encore loin d'être connue.

«Cet accord illustre la bonne volonté de BP à résoudre une part importante des problèmes causés par l'accident», a expliqué Bob Dudley, le patron du géant pétrolier.

Mais sur le terrain, si les experts assurent que les fruits de mer sont propres à la consommation, les prix de vente ont vertigineusement chuté et les pêches se sont révélées décevantes.

Theresa Dardar, de Bayou Pointe-au-Chien, un village de pêcheurs d'Amérindiens de Louisiane, dit à l'AFP sa crainte de voir son gagne-pain et celui de sa famille disparaître.

«Que va-t-on faire pour nous si on ne peut plus pêcher? Je pense que personne ne peut me répondre», se lamente-t-elle.

«Nous souffrons», dit laconiquement George Barisich, président d'une association de pêcheurs.

Malgré les compensations versées par BP, M. Barisich explique que certains pêcheurs pourraient au final se retrouver sans ressources, sans toit.

Avant la marée noire, il employait huit personnes et engrangeait 100 000 dollars de bénéfices par an. L'année dernière, il n'avait plus que deux employés et a perdu 40 000 dollars.

Cruelle ironie du sort: au moment de la marée noire, les pêcheurs étaient à peine en train de se remettre du passage dévastateur de l'ouragan Katrina, cinq ans plus tôt.