Les preuves sur les causes de la marée noire du golfe du Mexique pourraient bientôt se retrouver dans les mains des principaux suspects: c'est en effet BP et ses sous-traitants qui vont récupérer les débris de la plateforme Deepwater Horizon.

Le gouvernement américain mène une enquête, qui pourrait finir devant les tribunaux, sur l'origine de l'explosion de la plateforme le 20 avril et de son naufrage deux jours plus tard. Onze employés sont morts dans l'accident et quelque 4,9 millions de barils de pétrole, soit 780 millions de litres, se sont répandus dans l'océan jusqu'à la pose d'un entonnoir sur le puits le 15 juillet.

Mais les autorités américaines n'ont pas les moyens techniques de rassembler les preuves qui gisent à quelque 1 500 mètres de fond.

La société Transocean, qui louait la plateforme à BP, devrait prendre en charge les opérations de récupération. Un porte-parole contacté par l'AFP a refusé de dire quand elles commenceraient ni qui s'en chargerait, maintenant que les opérations de rebouchage du puits endommagé sont sur le point d'être terminées.

BP a également refusé de répondre sur ce sujet.

Et comme BP, Transocean et les autres sous-traitants se renvoient la responsabilité de la catastrophe, le processus de récupération des débris de la plateforme pourrait s'embourber dans des querelles juridiques, estiment des experts.

Stephen Herman, un avocat de La Nouvelle-Orléans qui représente des centaines de plaignants contre BP, n'est toutefois pas trop pessimiste. «Normalement, on pourrait s'inquiéter que ce soit le renard qui garde le poulailler», explique-t-il. «Mais BP sera forcé de rester honnête par Transocean, dont les intérêts vont à l'encontre des siens».

En plus de BP et Transocean, les sociétés d'investissement Anadarko et Mitsui sont également concernées par les activités de récupération, car elles ont investi respectivement 25% et 10% du montant des opérations de forage.

Elles pourraient donc être obligées de participer aux dommages et intérêts à hauteur de ces pourcentages, sauf si elles sont en mesure de prouver une négligence ou une faute intentionnelle de la part de BP ou Transocean.

Cameron International, qui a fabriqué le système de sécurité censé arrêter la fuite, et Halliburton, qui a envoyé une équipe pour cimenter le puits, devraient également participer aux opérations, car ils ont intérêt à prouver qu'ils ne sont pas responsables de ce qui s'est passé.

«C'est pour cela que tout le monde montre quelqu'un d'autre du doigt. Ainsi, Anadarko affirme qu'il y a eu négligence manifeste de la part de BP», explique Martin Davies, professeur de droit maritime à l'université de Tulane. «Si BP parvient à montrer qu'il y a eu négligence manifeste de la part de quelqu'un d'autre, il pourra se débarrasser d'une partie des coûts».

Quelque 77 plaintes déposées contre BP ont été confiées mardi à un juge unique de Louisiane, État dont l'économie a le plus souffert de la marée noire. La compagnie britannique pourrait aussi être poursuivie par d'autres sociétés pétrolières dont les activités ont été entravées par le moratoire de six mois sur le forage en haute mer décrété par les autorités. Et la marée noire pourrait coûter à BP jusqu'à 17,6 milliards de dollars d'amendes.

Mais, ajoute M. Davis, la compagnie pourrait aussi obéir à des intentions louables en récupérant les preuves au fond du golfe du Mexique.

«Je suis sûr que s'ils découvrent qu'il existe un système simple qu'ils auraient pu installer (pour empêcher la catastrophe), ils voudront l'utiliser à l'avenir pour éviter d'être condamnés à payer des milliards de dollars».