Plus de 27 000 puits de pétrole et de gaz ont été abandonnés au fond du golfe du Mexique et constituent une source d'inquiétude pour l'environnement, faute de surveillance d'éventuelles fuites, révèle une enquête menée par l'agence Associated Press.

Les plus anciens de ces puits ont été abandonnés à la fin des années 1940, et leur étanchéité suscite l'inquiétude en raison de leur grand âge.

La réglementation impose aux compagnies pétrolières de soumettre des plans afin de réutiliser ou colmater définitivement les puits temporairement abandonnés dans un délai d'un an. Mais l'AP a établi que la législation est contournée régulièrement et qu'un millier de puits sont restés dans cet état de déshérence provisoire pendant plus d'une décennie.

Environ les trois quarts des puits abandonnés temporairement le sont restés pendant plus d'un an, notamment à partir des années 1950 et 1960. Le groupe britannique BP, qui exploitait la plate-forme Deepwater Horizon, dont l'explosion le 20 avril est à l'origine de la marée noire dans le golfe du Mexique, a abandonné à lui seul 600 puits dans le golfe.

Les puits abandonnés temporairement ou définitivement ont de quoi inquiéter. L'expérience montre, au moins sur terre, qu'ils fuient souvent, et les archives gouvernementales examinées par l'AP révèlent que cela arrive aussi avec les puits offshore.

Selon les experts, les puits abandonnés peuvent se «repressuriser», comme un volcan endormi qui se réveille. Et des années d'exposition à l'eau salée et à la pression sous-marine peuvent corroder et affaiblir les tuyaux et le ciment utilisé pour le colmatage. Malgré le risque de fuites, les puits abandonnés ne font habituellement pas l'objet d'inspections par les entreprises du secteur ou les autorités publiques.

Des responsables d'États du pays estiment que des dizaines de milliers de puits sont mal scellés. La Californie a ainsi colmaté de nombreux puits abandonnés depuis les années 1980 dans ses eaux territoriales du Pacifique.

Plus au large, dans les eaux plus profondes qui dépendent du gouvernement fédéral, la politique officielle pourrait se résumer en une formule: «Loin des yeux, loin du coeur.» Le Service de gestion minier (MMS), récemment rebaptisé Bureau de la gestion de l'énergie de l'océan, réglementation et application (BOEMRE) -organisme fédéral qui délivre les permis de forage en haute mer-, s'appuie sur des règles à l'efficacité limitée.

Lorsqu'une compagnie annonce qu'elle va abandonner définitivement un puits, elle dispose d'un an pour mener à bien les travaux de colmatage. Mais contrairement aux autorités de régulation californiennes, le MMS n'inspecte pas les travaux réalisés et se contente de documents sur le chantier envoyés par la firme. Avec son faible mécanisme de contrôle, le MMS n'a infligé des amendes que dans un nombre limité de cas: sept compagnies ont écopé au total de 440 000 dollars d'amendes entre 2003 et 2007 pour des travaux non conformes.

Les autorités de régulation et les entreprises du secteur affirment que les puits offshore abandonnés sont présumés correctement bouchés et sont censés le rester indéfiniment. Ce n'est que lorsqu'ils sont pressés de questions que les responsables reconnaissent la possibilité de fuites.

Malgré ce risque, les autorités comme les industriels ne se sont jamais souciés d'évaluer l'ampleur du problème, montre l'enquête de l'AP. En clair, personne ne sait vraiment combien de puits abandonnés fuient et quelle est l'ampleur de ces rejets.

Les compagnies pétrolières pourraient être tentées de réaliser des économies sur les travaux de colmatage, qui sont longs et onéreux en mer. Le coût du colmatage définitif des 10 500 puits en exploitation et des 3 500 temporairement abandonnés dans le golfe du Mexique est estimé à au moins 3 milliards de dollars pour les industriels, selon l'enquête AP. Quelque 50 000 puits ont été forés dans le Golfe dans le cadre de baux fédéraux.

En général, le MMS apprend l'existence d'une fuite dans le Golfe lorsque quelqu'un la découvre par hasard. Le Laboratoire de sécurité marine des garde-côtes gère un peu plus de 200 cas de pollution chaque année. Mais Wayne Gronlund, un responsable des garde-côtes, précise qu'il est souvent impossible de savoir si une fuite provient d'un puits ou de ces failles naturelles au fond de la mer qui laissent s'échapper des milliers de barils de pétrole chaque année.