Sans le savoir, des centaines de clients de salons de coiffure québécois collaborent depuis 10 jours à une initiative inusitée visant à nettoyer le golfe du Mexique. Or, à ce jour, la question demeure: des bouées de nylon, bourrées de cheveux recyclés, sont-elles efficaces pour contrer la marée noire?

Boulevard Saint-Laurent, au salon Aveda. Rien ne laisse deviner que le salon de beauté très tendance participe à une initiative écologique d'envergure panaméricaine.

 

Ici, c'est plutôt la routine. Une affiche à l'entrée indique les prix et horaires des massages. À l'intérieur, une cliente se fait tranquillement couper les cheveux. Sait-elle que ses pointes se joindront à des millions d'autres, dans une poubelle bleue réservée à cette fin à l'étage, pour être envoyées aux États-Unis, le long de la côte du golfe du Mexique? Pas le moins du monde. Sa styliste n'en parle d'ailleurs même pas. «Je n'y ai tout simplement pas pensé», glisse-t-elle.

À l'étage, une autre nous affirme au contraire toujours expliquer à ses clients que leurs cheveux «seront coupés pour une bonne cause». Si personne n'était au préalable au courant, tous se disent ravis de collaborer malgré eux à l'initiative.

Voilà pourtant plus d'une semaine que le salon, comme une dizaine d'autres établissements Aveda au Québec, s'est engagé à suivre l'appel écologique lancé par sa société mère américaine. Les cheveux étant apparemment excellents pour ce qui est d'absorber l'huile, Aveda s'est joint à l'organisme écologiste américain Matters of Trust, lequel a créé un programme voué à la cause: le Hair Mat Oil Spill Program. Objectif? Récupérer les cheveux et les entasser dans des boudins de nylon pour en faire de grands spaghettis absorbants. Déjà, en 2007, cette même technique a été utilisée lors d'un incident pétrolier dans la baie de San Francisco.

Aux États-Unis, la réponse a été immédiate. La couverture médiatique aidant (de CNN au New York Times, en passant par tous les blogueurs et autres twitteux verts de la Toile), même les toiletteurs d'animaux de compagnie se sont joints au mouvement de récupération de poils.

«Une femme nous a appelés tout à l'heure, elle venait de tondre son caniche et voulait qu'on récupère les poils. On a dit oui pour cette fois, mais on ne veut pas faire de publicité là-dessus!» glisse en souriant Nadia Sofia Segato, porte-parole d'Aveda Québec, une entreprise qui a pris le virage vert dès ses débuts, il y a 30 ans. «Pour nous, ça n'a rien de nouveau. On s'est toujours engagés dans des causes environnementales.»

Une efficacité contestée

Ironie du sort, sur le terrain, les cheveux ne sont plus utilisés par BP pour stopper la marée noire. La semaine dernière, la société a même envoyé un communiqué indiquant que les boudins étaient inefficaces, coulant au fond de l'eau lorsqu'ils se gorgeaient de pétrole.

Convaincu au contraire de leur efficacité, Matters of Trust continue de son côté d'accumuler les cheveux, tout en travaillant activement avec des acteurs locaux pour trouver une solution et convaincre BP de l'intérêt de son concept.

«Nous sommes en ce moment dans le bayou avec des pêcheurs de crabes qui ont trouvé un moyen d'accrocher les boudins à leurs cages, a signalé Lisa Gauthier, porte-parole de l'organisme, à La Presse. Tout le monde est de notre bord ici. On travaille tous ensemble pour trouver une solution!»